A force de multiplier les publications autour de Go Nagai, sans pour autant vouloir se lancer dans des œuvres trop longues même si emblématiques de l'auteur (comme Violence Jack), Black Box nous propose désormais des titres obscurs et inattendus. D'où cet Utamaro, manga en un tome dont je n'avais jamais entendu parler auparavant, et beaucoup plus récent que ses séries les plus célèbres puisque datant de 2010.
Une fois n'est pas coutume, l'auteur nous plonge dans le Japon du XVIIIème siècle, plus exactement à Yoshiwara, le quartier des plaisirs d'Edo.
A première vue, il s'agit d'une histoire tournant autour de Kitagawa Utamaro, un fameux peintre d'ukiyo-e spécialisé dans les représentations de jolies femmes. Mais à première vue seulement, puisqu'il s'agit aussi d'une relecture du Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde. En effet, c'est ici sa rencontre avec Guren, une courtisane de haut rang, qui pousse Utamaro à se lancer dans l'art du bijin-ga, la peinture de jolies femmes. Ebloui par son modèle, l'artiste fait don de son œuvre à Guren, qui conserve jalousement ce témoignage de sa beauté. Mais elle va s'apercevoir que ce dessin semble refléter son âme, et que son comportement va progressivement donner à son portrait des allures monstrueuses. A tel point qu'elle pense n'avoir qu'un seul recours pour briser cette malédiction : tuer Utamaro.
Le scénario est bien pensé, dans la mesure où il mêle sans problème la réalité historique avec l'histoire d'Oscar Wilde, sans que celle-ci ne paraisse jamais déplacée dans ce nouveau contexte. Utamaro et Guren se révèlent être des personnages plus complexe qu'il n'y parait, et nous en apprendrons au passage plus sur les quartiers des plaisirs de l'époque. Fait rare, Black Box propose des clés de compréhension pour resituer certains protagonistes et le contexte de l'époque.
Le trait de l'auteur semble s'être améliorer depuis Cutie Honey et ses problèmes de proportion, tandis que son sujet lui permet de laisser libre court à sa folie concernant les quelques scènes érotiques, fortement inspirées du travail de Hokusai, et surtout sur les représentations toujours plus démoniaques de Guren.
Utamaro possède une véritable noirceur et un certain érotisme, mais reste toutefois éloigné des œuvres les plus impressionnantes du mangaka en la matière. Cela reste largement plus dérangeant que la moyenne, mais pas pour du Go Nagai. Si j'ai pris plaisir à le lire, plus que ce à quoi je m'attendais, il ne s'agit pas non plus d'un de ses titres les plus mémorables, même si je retiendrai un contexte historique dans lequel nous n'avons pas l'habitude de le voir évoluer, du moins en France. Je recommande la série aux lecteurs habitués de l'auteur, mais pas forcément pour le découvrir malgré sa courte durée.