Ce manga, dont je possede une edition en un seul volume, ne fera pas jeu egal avec Monster ou 20th century boys, mais sa lecture est agreable et son developpement est harmonieux et coherent. Les quatre premieres pages sont en couleurs et les trois premieres introduisent un motif a suspense que le recit nous fait oublier et qui tourne en revelation finale qui reeclaire toute la lecture d'ensemble du manga. Par ailleurs, si je n'ai appris qu'apres ma lecture du manga, dans la postface, que le personnage aux dents saillantes etait une figure iconique au Japon reprise a un autre mangaka, cela n'a en rien appauvri ma lecture. On a une caricature drole de japonais admirateur de la France et de sa culture dont il essaie de s'approprier l'elegance en la singeant. Personnellement, je trouve que l'humour fonctionne. Je n'ai pas du tout ete agace par les tics de langage du personnage, bien au contraire. C'etait parfait pour moi. Je n'ai pas trouve insupportable la vision clicheique de la France avec des citations improbables de Sylvie Vartan. On a le film sur Amelie Poulain qui offre aux americains l'image caricaturale de la France dans laquelle il veut se complaire, mais ici on a un portrait comique de cette attitude, donc ou est le probleme ? Enfin, j'ai carrement lache un rire pour la scene exceptionnelle de l'exercice de securite avec les masques mal interpretee par les medias. C'etait imparable et bien marrant.
Ce manga permet d'evoquer les collections du Louvre sur fond d'un projet de vol d'un tableau celebre mais de petite dimension, avec une implication de gens honnetes mais d'un pere paume dans sa vie en societe. On a aussi un decalage entre le Japon et la France avec l'idee d'une creation de sa France a soi par les reves qui permet ensuite de philosopher sur ce que les gens font de leurs vies.
On a aussi un jeu important sur l'ambivalence avec une fin qui reevalue le tout avec des petits tableaux touchants et des revelations subtiles. J'ai bien aime le corbeau qui fait concurrence a la vieille ou la commente et celle-ci qui critique le corbeau. Meme des blagues tres basiques marchent bien, par exemple quand la fille reprend Iyami pour sa mythomanie, car celui-ci reagit de maniere adequate pour que ce soit drole. On a pas mal de pistes leurres, pas mal de petites scenes a suspense. Le debut est tres lent, mais ce n'est pas un defaut. On a en effet une histoire qui prend son temps puis qui se met a turbiner. Moi, je ne demande pas l'egalite de rythme pour l'ensemble d'une histoire, je ne demande pas des histoires tracees au cordeau. Le plus artificiel, c'est sans doute le raccord de l'histoire de la mere avec celle de son mari et de sa fille. L'autre bemol, c'est dans la caricature de Donald Trump. Cette caricature revient souvent dans les mangas japonais recents, mais sans apprecier Donald Trump je tique quand meme quand on critique le resultat d'elections ou les gens ont vote, je ne trouve pas ce rejet critique d'un bel esprit democratique. Neanmoins, c'est ce biais de la caricature de Trump qui permet d'avoir un plan ingenieux de nos heros dans l'histoire et qui permet d'avoir la scene si comique qui fait que ce manga peut etre qualifie de performance scenaristique meme si ce ne sera pas le manga le plus scotchant d'Urasawa.