J'ai commencé cette série sans trop d'attentes particulières, le dessin de Philippe Delaby me plaisait. Je m'attendais à une histoire centrée autour d'une rivalité dualistique manichéenne comme on a l'habitude d'en voir beaucoup dans les films péplum (Gladiator, Quo Vadis de Leroy). Or, j'ai été relativement surpris à partir du tome 3. Dufaux a réussi à me donner tort sur la suite des évènements. Il reste bien encré dans la tradition romaine de l'Empereur tyrannique mais cela n'est jamais présenté de manière caricaturale et l'on s'attache même à Néron par moment (souvent, il a vraiment été conçu comme un personnage principal aux cotés de Lucius Murena). Dufaux aime semer le doute au sein de ses personnages, les faire hésiter. Les personnages principaux se demandent toujours s'ils sont sur la bonne voie, s'ils doivent vraiment faire cela ou ceci. Cela permet de créer de nombreux rebonds scénaristiques car aucun des personnages ne sera jamais cloitré dans un camp ou dans l'autre. Il y a une volonté des auteurs de vouloir retranscrire la réalité du pouvoir romain, un ensemble d'hommes machiavéliens et sensibles qui ne défendent que leurs intérêts privés.
Cependant, les auteurs, qui cherchent à retranscrire une certaine réalité du règne de Néron, ne semblent pas voir cela comme une limite car ils laissent libres cours à leur imagination que ce soit graphiquement et scénaristiquement. Les intrigues principales étant orientées autour des grands moments du règne de Néron (Incendie de Rome, Conjuration de Pison,...), cela ne les empêche pas de développer un univers fictionnel, notamment dans les relations entre les personnages.
Philippe Delaby a lui aussi énormément de choses à raconter par son trait. Il a une manière de représenter Rome à grande échelle qui pourrait rappeler les illustrations de Jean Claude Golvin. mais là ou il semble bien s'amuser, c'est dans le cercle privé : les grandes fêtes romaines, les bains, le domicile patricien, etc toute la vie de Rome est mise en scène. On a le portrait habituel d'une décadence des mœurs romains, mais aussi un ton un peu plus positif. On aura beau blâmer cette décadence sociale chez les romains de l'Empire, on tous rêvé (passionnés de l'antiquité) de participer à l'une de ces extravagances ou même de la simple baignade au sein des immenses thermes de Caracalla. Cela se ressent dans le trait de Delaby, il y a une forme de mise en scène de la vie privée et public. Rome devient une forme d'organisme vivant, qui n'existe pas sans toute cette débauche.
Bien que le premier tome soit très pauvre au niveau des émotions que peuvent ressentir les personnages, Delaby progresse de tome en tome et on atteint une certaine perfection au tome 6 (qui sera de nouveau égalée au tome 9). Concernant les deux derniers tomes dessinés par Theo Caneschi, je ne suis pas très fan des traits qu'il donne aux personnages, en revanche, les environnements qu'il crée sont absolument magnifiques pour certains.