M×Zero
6.8
M×Zero

Manga de Yasuhiro Kanō (2006)

Zéro magie ? Pas du tout : manga dense et efficace qui prend des directions variées sans se vautrer

Remarque préliminaire : il y a d'un côté l'histoire en dix tomes et de l'autre un one-shot qui correspond à la première version test en revue, MPZero. J'aurais bien aimé comparer les deux versions, mais je n'ai pas l'impression que le one shot existe en VF.


J'ai connu ce manga grâce à un livret publicitaire qui en livrait les premières pages, livret qui était inséré dans un volume de Dragon Quest : La Quête de Dai. J'ai lu ces pages aussitôt. Fin avril, un lycéen est devant la grille du lycée où il vient d'être recalé à l'examen d'entrée. Dès la deuxième page, flashback sur l'événement mortifiant. Une question incongrue a été posée : "Qu'aimeriez-vous faire si vous aviez des pouvoirs magiques..." Le héros Taiga répond la première chose qui lui passe par la tête : "Je serais maître du monde", ce qui n'est pas très mature, mais on se demande pourquoi ça provoque ainsi l'hilarité d'une autre candidate et surtout, même si ça reste à l'arrière-plan, pourquoi ça soulève l'indignation du jury d'entretien : "Quelle réponse de gamin... N'importe quoi..." Au passage, quand on apprend ultérieurement la raison de cette question, on découvre qu'on ne pouvait pas deviner la cause de son échec à l'entretien car il y a une incohérence à ce que plusieurs candidats soient en présence pendant l'entretien d'un seul. Le héros a le sang chaud, il crie sur la fille qui se ressaisit et s'excuse avec émotion, mais cela provoque un retournement inattendu, le héros passe de la colère à l'amour, c'est le coup de foudre. Les deux émotions se mélangeant, il a de toute façon oublié la fin de l'entretien et, revivant la scène en imagination, il tient un discours rageur contre cette fille, mais un discours qui finirait en déclaration si Taiga ne l'interrompait pas et ne s'interdisait pas d'exprimer ses sentiments. En quatre pages, on a déjà un coup de foudre dans une situation amoureuse bloquée par le refoulement même du héros, par l'impossibilité de se rencontrer même, sur fond d'un mystère autour de la magie qui justifie indignation et fou rire. On enchaîne. Le héros se rappelle tout ça devant le portail. Gros quiproquo, un professeur pense qu'il s'agit d'un élève qui fugue. Le héros a une raison d'amour-propre qui l'empêche de clarifier les choses, il entretient le professeur dans son idée, et donc ce professeur fait rentrer de force l'élève dans l'établissement, mais en faisant cela notre héros vit des phénomènes surnaturels. Il y a une barrière invisible que la magie permet de traverser et surtout ce professeur fait de la lévitation, fusionne bras dans bras avec notre héros et dévisse sa tête transformée en boulon, et c'est sur cette tête horrifiée qui gît à terre avec un cou devenu la spirale d'un boulon que se terminait le livret promotionnel.
C'était tellement scotchant que j'ai dit, c'est bon ! il me faut ce manga. Il y avait dix volumes, je les ai achetés d'un coup.
On peut mieux préciser l'intrigue de départ en lisant l'ensemble du chapitre 1 qui se distingue de la suite par un sentiment panique qui s'empare du lecteur lui-même. En fait, le professeur a commis une erreur. Comme Taiga n'est pas un élève, il ne fallait pas lui montrer de la magie, ni le faire entrer. Pire encore, le professeur étant maladroit et Taiga étant une force de la nature (il a une soeur de dix-neuf ans de petite taille qui est encore plus forte que lui), les élèves vont constater médusés que Taiga se balade avec un signe distinctif de grand magicien, la carte du professeur, et qu'il a assommé ce même professeur tant craint. Désormais, la directrice et le professeur conviennent de l'intégrer à l'école de magie, en lui offrant une fausse carte qui sera bientôt remplacée par une mystérieuse carte nommé X-Zero. Notre héros va passer en classe de seconde au lycée pour un super magicien alors qu'il n'a aucune aptitude. La carte X-Zero et une mandragore qu'il rencontrera, ainsi que le professeur qui le camoufle, vont lui permettre parfois de créer l'illusion, de se sortir de situations difficiles, mais les quiproquos vont aussi l'aider à conforter cette illusion. Evidemment, le héros a la réputation d'un fier qui ne veut pas montrer sa magie aux autres, ce que le manga aurait pu mieux exploiter encore pour bien rendre crédible son histoire dans le temps.
Le manga part alors sur deux intrigues : d'un côté une identité d'imposteur à cacher dans un milieu de magiciens, ce qui est a priori inimaginable, d'un autre côté, une quête amoureuse entre deux lycéens réunis dans un même établissement, mais qui ont du mal à communiquer et qui ne peuvent pas tout se dire. L'intrigue amoureuse va revenir en permanence sur le devant de la scène, mais ne progressera guère, elle va être assez diluée, tout en restant assez plaisante à lire. Les gags autour des filles sont courants dans ce manga, mais ils restent de bon ton. Il y a une certaine retenue et l'intérêt du personnage principal est habilement sauvé, dans la mesure où ce sont les autres élèves ou personnes qui fantasment sur lui ou sur d'autres, garçons comme filles. Notre héros a des préoccupations claires : un amour pour une seule fille, un désir de survivre dans ce monde fou. Pour survivre, notre héros doit endosser le rôle du génie magicien qui a le niveau d'un professeur en magie dès son entrée en classe de seconde. Il doit gagner on ne sait combien de défis. Et l'auteur sait varier les épreuves où il y a recours à la magie, mais ces épreuves font tellement appel aux aptitudes physiques, à la stratégie, au bluff, à la patience et à la détermination que la magie n'est pas complètement décisive. C'est même assez surprenant qu'une étendue importante du manga soit consacrée à des épreuves, à des jeux!, où la magie est autorisée, des jeux qui nous sont bien détaillés, mais où on voit en fait un récit d'aventure où la stratégie, la ruse, la réflexion, la perspicacité mènent à tout. Les épreuves en équipes facilitent encore le procédé de l'auteur qui veut nous montrer comment le héros parvient à faire illusion à ses camarades. L'auteur évite le réel tour de force, mais on est pris par la dynamique des aventures, ce qui fait qu'on accepte sans problème ce qui s'enchaîne. On admet que, les situations étant ce qu'elles sont, oui, le héros peut s'en sortir. Et pourtant, au début de bien des épreuves, on a une classique présentation du défi impossible à relever.
Il n'est pas question que d'épreuves, il y a des instants de vie, des rivalités, des plages de gags, etc.
Petit à petit, nous en apprenons plus sur l'origine de l'école, ou sur celle des cartes, ou sur les différences de valeur entre les cartes, sur ce qu'est la carte MxZero elle-même.
Les dix volumes se dévorent rapidement, car c'est prenant. Il y a même un "Retour dans le passé" qui, moi, m'a provoqué une crise de fous rires. Pressé de le faire par la directrice et le professeur responsable de son entrée dans l'établissement, Taiga doit recommencer l'entretien d'entrée au lycée. Je ne vous explique pas le titre de chapitre "Retour dans le passé", mais il y a de grosses attentes sur cet entretien. Le héros doit bien sûr lire le guide, il sait comment tout doit se dérouler, mais il y a juste un truc qui coince, et on le voit s'agiter, s'agiter pour régler le détail qui coince, il dérange tout le monde, personne n'y comprend, il a l'air de tout savoir sauf ce détail précis, on se dit mais qu'est-ce que c'est que cet extraterrestre ? Et puis, il est au pied du mur, il doit répondre, il a la pose, il assure, et ça ne se passe pas comme espéré, et moi je suis mort de rire.
Plusieurs autres gags mettent dans ce genre d'ambiance, même si, pour leur part, l'humour érotique ou les jeux de mots ne volent pas bien haut.
Jusqu'au tome 6 ou 7, on rit parce que le héros vit une aventure de dingue et que tout le monde croit qu'il s'en sort la tête haute, alors que lui il souffre le martyre, il n'arrête pas de crier "ouf" pas encore démasqué, pas encore victime d'une attaque violente d'un magicien, etc. Dans les derniers tomes, le héros entre de plus en plus dans le rôle d'un futur magicien potentiel, il y a un récit d'aventure plus sérieux, et on s'y intéresse, et c'est vraiment dommage (d'autant plus que ce manga a souvent changé facilement d'allure sans que ce ne soit désagréable) qu'il n'y ait pas une suite qui prenne en charge ce devenir.
En effet, le manga a bien une fin, mais en réalité plusieurs pistes sont toujours ouvertes. Le héros n'a vécu que six mois d'une année de seconde dans ce lycée. Il reste l'année de première à faire, l'année de terminale ensuite, avant un diplôme, et on peut imaginer au-delà que le héros devienne un adulte conservant ses souvenirs de magicien, car pouvant la pratiquer en tant qu'incorporé à l'élite. Il faut donc se préparer à un récit qui, s'il se trouve qu'il aurait pu être continué, s'arrête à montrer comment le héros tient six mois dans un lycée de magiciens. Est-il démasqué à la fin ? L'est-il seulement par une personne ? Pourquoi je dis "six mois" ?


En fait, la fin du roman se détache de l'intrigue et met en place une sortie un peu du genre comédie de la vie où on fait des choix qui nous obligent à nous éloigner pour un temps. En fait, il y a une pause qui va permettre au héros de ne plus être obligé à plein temps de faire semblant, c'est là-dessus que le récit se termine, mais je ne vous dis pas comment cette pause va être possible. Je mets ceci dans une zone de spoil, mais je ne vais pas jusqu'au bout du spoil, juste que ma critique sur l'aspect original de ce manga ne pouvait pas faire l'impasse sur ce point : l'étrange fin ouverte. Ne vous attendez pas à une fin en apothéose.

davidson
8
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Créée

le 15 janv. 2019

Critique lue 295 fois

davidson

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