Nagarya me donnait envie.
Une bande-dessinée érotique typique des années 80 dans son style et son sujet: des formes sculpturales et voluptueuses évoluant dans un univers de science-fiction fantastique où s’entre-croisent technologies futuristes, jungles primales et civilisation perdues. Parmis ses influences artistique, le travail de Frank Frazetta (dont je suis une grande fan) est clairement mis sur le devant.
Toutefois, connaissant les travers récurrents de la BD érotique de cette époque (scenarii maladroits et traitement des sujets féminin et masculin hyper clichés et brutaux), je suis restée méfiante…
Et effectivement, je me suis trouvée tout à fait déstabilisée face à cette BD, oscillant constamment entre éclats de rire moqueurs (que l’auteur n’a absolument pas pour but de provoquer il me semble), fascination pour le trait et la peinture des planches qui sont souvent magnifiques (les décors sont envoûtants), les levées d’yeux au ciel pour les comportements des sujets remontants d’un autre âge (et par là j’entends le cliché qu’on se fait d’hommes des caverne bestiaux et animaux) même avant que le scénario ne les force à retourner à la nature, et enfin les réflexions philosophiques sérieuses sous-jacentes mais qui restent légèrement traitées au final…
Toute la première partie notamment prête presque constamment à rire ! Des hommes et des femmes, tous calqués sur le même modèle de clone, seuls une moustache par-ci ou une coloration de cheveux différente par là fait la différence, et montés comme des avions de chasse (évidemment) évoluent dans les décors à l’aide de dialogues complètement perchés ! S’adressant entre-eux comme dans une tragédie grec, avec un style d’écriture très ampoulé, mais pour la plupart du temps ne rien dire d’intéressant ou même de compréhensible. Souvent je me suis retrouvée en fin de strip à lever le nez de mes pages pour me dire “mais, mais… KEUWA ? keskidi !? XD ). Je me suis parfois même demandée si je n’avais pas sauté des pages, car cette écriture énigmatique est parfois enfoncée par des coupures brutales de mise en scène ou changement de décors… Bref, le travail au scénario et à la mise en page semble en être resté au stade du brouillon… les personnages n’ont aucune profondeur, peu de personnalité et quand elle transparaît, elle est souvent hyper clichées et genrée à outrance (heureusement qu’on nous dit que l'héroïne est ethnologue quoi sinon la pauvre pourrait bien passer pour une belle cruche écervelée tout juste bonne à la reproduction de l’espèce… ca serait dommage.)
Par ailleurs, petite parenthèse, l’histoire nous apprends qu’en cas de retour à la vie sauvage, nos hommes auront vite fait de nous surveiller/chaperonner/couver/jalouser/enfermer car , vous comprenez, nos “matrices” sont trop précieuses et nous sommes bien incapables de gérer nos vies toutes seules au quotidien. A vos foyers mesdames ! Que diable ! Bon, on nous parle quand même vite-fait de la possibilité d’avorter et de contrôle de la fertilité (ce dernier aspect est présenté comme étant un mal cependant).
L’oeuvre devient beaucoup plus intéressante pour la deuxième partie, une fois la rencontre et l’intégration avec les “autres” effectuée. On subit toujours les mêmes défauts d’écriture, mais l’histoire s'enrichit avec l’apparition de meurtre, de tabous technologiques, d'échauffourée, de mystères à résoudre. Et pile quand ca devient intéressant PAF, fin de l’album, histoire inachevée (il paraît que c’est récurrent chez cet auteur). Grande frustration, puisqu’enfin, on commençait à creuser quelque chose d’autrement plus intéressant que de savoir si Pénélope va choisir Kévin ou Jean-Eudes pour la saillie du dimanche soir.
En ce qui concerne l'érotisme pur et dur (haha) de cet album, voici ce que j’en pense:
Les corps sont beaux (même si on sent bien que l’artiste à passer plus de temps à étudier les sexes et les poitrines que les visages et les pieds…), les poses sont dynamiques et les mouvements aussi (mais paradoxalement pas dans les scènes de sexe !). Toutefois malgré la constante nudité des personnages, les scènes érotiques sont trop courtes (l’affaire d’une case) et on a du mal à croire à une alchimie torride entre les protagonistes. En outre, les… heu… “configurations” présentées sont toujours les mêmes et manquent cruellement de variété. La scène passée, on se demande si l’acte a vraiment eu lieu… Pas de préliminaire, pas de phase de plateau, pas d’acmé ou de final.
On notera la mise en scène d’un tableau violent prenant place dans les étrange rêve de l’héroïne la montrant littéralement déchirée par l’acte avec son compagnon sous forme de centaure. C’est très court, mais très violent et assez hors propos d’après moi puisque ca ne vient nourrir aucune réflexion plus tard entre les deux personnages ou même de la part de l'héroÏne avec elle-même et que tous les personnages ont de bonnes relations entre-eux, l’abus n’est pas de mise (pas comme dans Druuna par exemple). On pourrait en faire une analyse psy et philosophique quant au contexte de l’histoire, mais l’auteur ne semble pas plus que ca vouloir s’y adonner et on passe du coq à l’âne à la suite sans jamais revenir dessus, ce qui fait penser que ca a été placé là comme un caprice de fantasme glauque à assouvir sans raison… Personnellement ça m’a sortie de l’histoire.
Globalement, si je veux être objective, à part pour ses couleurs, cette oeuvre ne me paraît pas d’une grande qualité… Autant j’achèterais volontiers une peinture du maître, qu’il serait le dernier homme sur terre à qui je ferais appel pour les dialogues d’une histoire ! Malheureusement, c’est un écueil qu’on trouve trop souvent dans la BD érotique… Le fait que l’histoire soit inachevée est une grosse déception aussi.
Toutefois, je dois reconnaître que l’oeuvre m’a quand même marquée (je n’écris pas de critique pour tous ce que je lis ou regarde !). Malgré ces énormes défauts, j’ai quand même été happée dans l’univers fantasy rétro qu’elle présente et j’aurais voulu en découvrir plus.
En attendant je retourne à ma quête éperdue et vaine de trouver la BD érotique parfaite…