Depuis quelques années, Zidrou multiplie les scénarios, parfois là où on ne l’attend pas. « Natures mortes » est un faux biopic sur un peintre méconnu, Vidal Balaguer. Ce dernier, talentueux et promis à un bel avenir, sombrera presque dans l’oubli, ne laissant qu’une petite douzaine de toiles. C’est à partir de ses toiles que Zidrou imagine les derniers mois du peintre. Au dessin, Oriol assure le difficile travail de mêler dessin et peinture. Le tout est publié chez Dargaud.
Lorsque l’histoire commence, on découvre un peintre sans le sou qui refuse de vendre ses tableaux. Notamment celui de sa muse et amante, Mar, disparue. Comme il est le dernier à l’avoir vue, le peintre fait aussi partie des suspects… Acculé par la police et son propriétaire, le peintre cherche une porte de sortie.
« Natures mortes » commence par une histoire de peintre maudit : sans le sous, sans sa muse, Vidal s’enfonce dans la dépression et la pauvreté. Il n’y voit aucune échappatoire. Pourtant, tous le disent : c’est le peintre le plus talentueux de sa génération. Ainsi, Zidrou dresse le portrait de la difficulté de la création. Le talent ne fait pas tout, il faut aussi savoir se vendre, s’adapter, confirmer les attentes, etc.
Si la plupart des toiles de l’auteur m’étaient inconnues, on pressent le travail de reconstitution des auteurs. Ainsi, chaque toile apporte quelque chose. Zidrou s’est amusé à inventer et reconstituer l’histoire de ces peintures. C’est plein de surprises et d’inventivité. Il y a un vrai travail de scénariste. En cela, « Natures mortes » n’est pas une biographie classique, mais plutôt l’occasion pour les auteurs de réhabiliter un peintre en l’enrobant d’une aura de mystère. Une belle réussite, originale et poétique.
Oriol vient apporter sa pierre à l’édifice. Son travail est remarquable, puisqu’il adopte le style pictural de Vidal Balaguer ! Il suffit de chercher sur la toile les… toiles de Balaguer pour s’en rendre compte. Dans le trait, les couleurs, Oriol se fond dans le style du peintre maudit ! Une très belle performance ! Surtout qu’avant que l’on saisisse la prouesse technique, on s’extasie devant la beauté formelle des planches.
En tant que bande-dessinée, « Natures mortes » est déjà un bel ouvrage : le scénario est intéressant et révèle des surprises, soutenu par un dessin original et marquant. Mais une fois compris l’intention des auteurs, il prend une toute autre dimension : le travail d’écriture de Zidrou en devient d’autant plus intéressant et celui d’Oriol exceptionnel. Voilà un ouvrage qui utilise pleinement les possibilités de la bande dessinée. Un livre remarquable par sa conception et sa réalisation !