Si l'animé Nausicaä est un vrai bijou, que dire du manga dont il est tiré, bien plus dense, riche, effrayant ou encore fascinant ? Paru entre 1982 et 1994, l'oeuvre explore un monde mis à mal par l'humain, où l'air est empoisonné et les forêts dangereuses, avec juste comme lueur d'espoir une jeune princesse.
Durant sept tomes, Hayao Miyazaki va mettre en page sa vision de l'humain, néfaste pour l'environnement et vivant avant tout pour la gloire et les richesses, et ce même dans les cas désespérés. Pendant tout ce temps, on assiste à un monde qui sombre éternellement, régulièrement détruit par les humains se battant toujours pour un bout de territoire, avec une histoire se répétant encore et toujours. La nature est devenue hostile à l'Homme, on ressent les vestiges d'un univers jadis proche du nôtre, et Miyazaki n'hésite pas à mettre cela en scène par le prisme d'une atmosphère violente, à l'image des paysages qu'il décrit.
C'est dans cet univers, et ambiance, que l'on va trouver nos personnages, d'abord une jeune princesse, semblant d'abord représenter l'innocence avant d'avoir un statu plus christique et prophétique dans ce monde qui en avait besoin. Nausicaä finira par représenter l'espoir de tant d'humains détruit, que ce soit moralement ou physiquement, par des affrontements qui ne semblent jamais se finir. Le manga est rythmé par ses interrogations, ses doutes et sa recherche de la vérité mais surtout d'une solution face à tout cela, et Miyazaki dresse une remarquable galerie de personnages pour l'entourer, n'hésitant pas à les rendre ambigus, à l'image de Dame Kushana, un des plus fascinants protagonistes qu'il m'ait été donné de lire, et dont l'évolution, comme tout le reste, est assurément passionnante.
Assez vite, il éparpille tous les personnages, on entre, via le troisième tome, dans une atmosphère de Guerre Totale, où il ne sera plus que question de groupe avec des enjeux différents, devenant tous captivants et servant l'histoire ainsi que la vision de l'humain selon Miyazaki. Il parvient à faire ressentir toute la tension liée à une possible fin d'une ère, voire du monde, on ressent l'émotion liée à des destins individuels au cœur d'enjeux mondiaux, et chaque case est propice à une nouvelle émotion, une intensité particulière ou tout simplement une angoisse de moins en moins sourde plus on avance, ainsi qu'une odeur de chaos dans l'air empoisonné.
Miyazaki démontre une véritable justesse dans l'écriture, que ce soit les personnages, dialogues ou l'avancement de l'histoire, tout sonne toujours vrai et il évite toute lourdeur. Il sait garder les mystères intacts tout en surprenant régulièrement, et lorsqu'on tourne les pages, on a l'impression d'être au cœur du livre, de vivre cette histoire et de se sentir proche des personnages. Il sait prendre son temps, et propose une oeuvre très dense, qui saura faire passer par tout un panel de sensations.
Les batailles sont aussi épiques que mémorables, on navigue dans une ambiance violente où des clans sont en Guerres, et on ne peut qu'être ébloui par autant de créativité dans l'univers décrit, que ce soit dans de simples détails ou non. L’osmose entre l'Homme et la nature est au cœur du récit, et Miyazaki fait intelligemment passer ses messages, que ce soit directement à travers les peuples qu'il invoque, à l'image des maîtres vers ou son héroïne.
Dans ce pamphlet humaniste et écologique, on retrouve toute une fascinante mythologie, comme en témoignent les 7 jours de feu, les différents lieux ou encore le poids du passé, que l'on ressent à chaque case. Le récit est bien construit, et la finalité parfaite, sachant s'arrêter à temps, laissant l'Homme face à ses souffrances et l'Histoire de cette Terre et nous montrant Nausicaä comprenant sa vision de la vie, de la mort et surtout de l'humain, que ce soit face à la nature ou un miroir, et ne devant pas chercher à contrôle la nature et se prendre pour de nouvelles divinités.
C'est une véritable épopée que propose Hayao Miyazaki avec Nausicaä de la Vallée du Vent, une oeuvre aussi dense que fascinante, dans laquelle on se retrouve immergé au côté des personnages et dans un monde à l'agonie face à la nature destructrice de l'Homme, formant finalement un cycle répétitif dans l'Histoire.