Nightly News
7.3
Nightly News

Comics de Jonathan Hickman (2007)

"Pardonnez ma franchise, mais Chomsky est un putain d'attardé."

Dans la post-face de ce livre, l'auteur, Jonathan Hickman, nous avoue avoir été questionné par plusieurs journalistes à la sortie de l’œuvre. La question que tout le monde se posait était « Est-ce que vous vous sentez mieux ? »


Cela reflète assez bien l'impact que ce Nightly News peut avoir sur un lecteur qui n'était pas préparé à vivre une telle expérience. Ce comics transpire d'une telle colère et d'un tel engagement qu'il est difficile de ne pas se questionner à propos de son auteur. Est-il sérieux ? Est-ce du premier degré ? Est-ce, pire, du second degré ? Est-ce un pamphlet ou un divertissement ? Un essai ou un récit ? Une fiction ou une réalité ?


Car oui, Nightly News est une œuvre coup de poing ! Un comics ancré dans son époque qui risque fort bien de vous retourner l'esprit, voire les tripes. Qui risque sans doute de vous faire vous questionner sur vous-même, sur vos dirigeants, sur le monde dans lequel vous vivez… En bref, Nightly news est, comme souvent avec Johathan Hickman, davantage qu'un comic-book...



L'Histoire



« Il existe une catégorie moribonde d'êtres humains qui pense avoir changé le monde. Ils pensent qu'ils ont été des révolutionnaires. mais ils ont fini par devenir des laquais des corporations. Des idéologues politiques. Des parents divorcés. »


Au cœur de New-York, un passant est abattu en pleine rue, à priori par hasard. Une série de journalistes accourent pour couvrir la nouvelle au plus proche de l’événement et s'appuyer sur l’aspect sensationnel de la nouvelle. C'est alors qu'un carnage débute et qu'ils tombent tous sous les balles d'un tireur embusqué ! D'autres journalistes arrivent alors, pour couvrir cette tuerie qui touche les membres de leur profession. Les meurtres s'amplifient encore, c'est une réaction en chaîne ! Plus les journalistes affluent pour faire leur travail, plus ils tombent sous les balles…


Deux ans auparavant, c'est un certain John Guyton qui ère dans les rues de la grande ville. C'est un haut placé de la finance qui a tout perdu du jour au lendemain : argent, emploi, femme et enfant. Il en est aujourd'hui réduit à mendier, comme beaucoup d'autres.


C'est alors qu'un jour, un homme qui se fait appeler Frère Alexander lui tend enfin une main compatissante ! Il lui offre un café et lui tient un discours éclairant. Le sort de John ne serait pas du au hasard mais bien à certaines personnes très haut placées qui se chargeraient de diriger le monde depuis leur siège en cuir, depuis leur luxueux bureau, qui se joueraient de tous et resteraient dans l'ombre afin d’accroître leur influence…


Depuis, John est un autre homme. Il a rejoint « La Première Église de la Fraternité de la Voix », une organisation de l'ombre, à la fois secte de fanatiques et ralliement terroriste. Ce refuge de démuni regroupent une série d'individus égarés et persuadés d'avoir subis le même sort que John : Avoir été sciemment brisés par le monde de la presse. Au départ d'un dérapage médiatique, d'une série de fausses informations, d'erreurs non reconnues, non assumées et non réparées par des journalistes incompétents, sans cesse à la recherche d'un meilleur scoop, d'une information sensationnaliste au détriment de données précises, ces hommes et ces femmes jugent qu'ils ont été tout simplement lynchés !


Ils participent alors depuis quelques temps aux agissements de cette secte de la parole vraie afin de mener une véritable croisade meurtrière contre ce qu'ils appellent « le quatrième pouvoir » et les personnes immorales qui incarnent ses dérives à travers les grands groupes média américains tels que NBC, ABC ou encore, et surtout, La Fox !


L'organisation de la secte est simple : Sous les ordres d'un gourou complètement anonyme, autoproclamé « La Voix », qui communique avec ses élites sous la forme de vieilles cassettes audio à bandes magnétiques, ils agissent pour le bien du pays. Une seule personne a le droit et le privilège d'avoir des échanges directs avec La Voix, il s'agit de « La Main », alias John Guyton, dont le rôle est de transmettre les informations aux reste de la secte et de planifier les actions terroristes.


Ces individus, complètement laissés pour compte, vont alors s'engager dans une véritable spirale de violence afin de faire entendre leur voix. Cela commence par un attentat visant des journalistes en plein centre de New-York et n'ira qu'en accélérant !



Le Scénario



« Il s'agit de New York. Le centre de la société américaine. Trop éclairée pour la religion. Trop cynique pour la politique. Et trop sophistiquée pour les idéaux. »


C'est une oeuvre extrêmement dense que nous livre ici Hickman ! Du recrutement des membres aux actes toujours plus violents perpétrés par la secte, en s'attardant sur des réunions très froides entre magnats de la presse par un parallélisme troublant, l'auteur désire mettre le doigt sur plusieurs sujets majeurs de notre monde contemporain. Il nous parle de la dérive des médias, des actes inhumains des hommes fortunés, toujours plus nombreux et plus immoraux, de l'escalade si rapide de la violence dans un pays qui ne désire toujours pas, à ce jour, voter en faveur d'une loi allant à l'encontre des armes à feu, et enfin, et surtout, de la presse, organisation mondiale moribonde dont l’indépendance diminue chaque jour autant que croît la recherche du sensationnalisme et l'absence de recherche d'information véritables.


Hickman gratte là où ça fait mal ! Mais il gratte également un peu partout, à un peu trop d'endroits différents diront certains, ce qui l'empêcherait, aux premiers abords, de traiter correctement et en profondeur des nombreux sujets qu'il a choisi. Mais Hickman sait tout ça. Il sait que, de par le propos et l'intention, l’œuvre doit avant tout être choquante à priori pour être davantage réflexive à posteriori. Il opte d'ailleurs non pas pour une approche complexe et complète, mais bien pour une approche intense, simple et didactique, presque pédagogique.


Passé la première scène choc du livre, qui constitue en un attentat sanglant contre le monde de la presse, l'intrigue se calme et se développe de manière chorale, voguant d'un personnage à l'autre, entrecoupant les avancées de l'histoire par de nombreux flash-back nous permettant de desceller quelques pistes de réponses face à cette violence qui vient de nous exploser au visage.


L'auteur nous donne alors à découvrir différents crimes commis contre le monde médiatique, mais également plusieurs « crimes » commis PAR ce même monde médiatique, notamment à travers des capsules d'informations brutes (mais nous y reviendrons). On découvre alors l'histoire de James Andrews, journaliste infiltré au sein de la secte et chaque jour moins certain de sa sécurité et du bien fondé de sa décision, c'est également l'occasion de rencontrer un certain Jey Rector, un sénateur américain dont le but officiel est de faire passer une loi élargissant considérablement la liberté de la presse sous toutes ses formes, et enfin nous suivons le parcours de John Guyton, véritable protagoniste du livre et porte-parole de « La Première Église de la Fraternité de la Voix », depuis son recrutement au sein de la secte jusqu'à son déconditionnement.


Structurellement, l'histoire à proprement parlé commence par une « voix off » qui scande ce qui semble être des vérités que tout le monde a déjà entendu dans sa vie et dont le but certain est de dénoncer les mauvais agissement du monde de l'information ainsi que les nombreux mensonges que l'on nous débite à longueur de journée. Cette voix, c'est celle du narrateur, ou peut-être celle d'un des protagonistes du livre, ou encore directement celle de l'auteur avec qui elle semble de toute façon se confondre. Par ce moyen, Hickman nous rappelle d'emblée que nous ne sommes pas ici dans un comics de super-héros ou dans une œuvre de science-fiction (son genre de prédilection) mais bien dans un récit prenant place dans notre monde à nous, à notre époque à nous, avec les dérives que nous connaissons tous.


Nous découvrons alors la rapide montée en puissance de « L’Église de la Fraternité de la Voix » et comprenons très vite ses intentions. Ils désirent en effet dépasser l'activisme « classique », beaucoup trop passif à leur goût, et marquer le peuple par des actions fortes. L'intrigue glisse alors vers un point de vue plus personnel du récit, celui de John Guyton, en opposition avec les premiers mots du livres, si impersonnels, et pourtant nécessaires.


Hickman appuie son propos par de nombreux tableaux et graphiques nous livrant des informations brutes sur le sujet traité sur de nombreuses pages. Mais c'est avec l'expérience vécue par Guyton que nous commençons à cerner non plus les raisons de l'acte mais bien sa source. Une source qui n'est ni vénale ni sanguine, encore moins superficielle, mais terriblement ancrée à l'intérieur de l'homme, se développant lentement depuis très longtemps, mûrement réfléchie, sans hésitation. Cela entre évidement directement en opposition avec les données des tableaux, présentes sur de nombreuses pages, qui, elles, le sont, artificielles et impersonnelles, démontrant par la même que toutes les statistiques du monde ne parviendront jamais à expliquer l'acte d'un homme, avec son vécu, ses raisons personnelles et ses convictions profondes.


Abordons ces fameux tableaux qui jalonnent la lecture, la rendant, selon les lecteurs, soit davantage intéressante, soit complètement lestée, chaque page devenant plus difficile à parcourir. Car même si Hickman aborde ce sujet de société sous l'angle d'une fiction à faire froid dans le dos, rendant ainsi son message davantage puissant et percutant, il livre également au lecteur la preuve qu'il s'est extrêmement bien renseigné sur le thème, il choisit de justifier son œuvre à travers de très nombreuses références semblant exactes qui démontrent la pertinence de son travail.


Tous ces tableaux et ces voix off, ces chiffres, statistiques et données brutes participent donc à une espèce de justification de l'artiste face a son discours. Pourtant, Hickman, bien malin qu'il est, détourne encore une fois cette démarche ! Il va ainsi conseiller au lecteur, et ce dés la première page, de « passer » ces informations, si, « comme lui », il ne souhaite pas « se prendre la tête » avec des sujets graves et désire seulement se divertir. Le lecteur a alors le choix de lire ou ne pas lire ces données, reflet du monde réel dans lequel l'auteur nous ramène constamment par le biais de sa fiction, nous prenant en otage afin de nous parler de la réalité après nous avoir appâté grâce à une fiction aux propos racoleurs. Une méthode qui, au moins dans sa forme, a été longuement mise en accusation par le philosophe américain Noam Chomsky, véritable pierre angulaire de ce Nightly News, dont le rapport avec l'oeuvre sera détaillé plus bas.


Cette proposition lancée par l'auteur est une façon très habile d'impliquer directement le lecteur dans les choix moraux présentés au sein de l'histoire, de le forcer à faire lui-même des choix face aux événements et aux informations qu'il réceptionnera durant sa lecture, de prendre parti face à cette fiction truffée de mensonges en tous genres, ce que l'auteur révélera également assez vite au lecteur, ne se cachant aucunement de ne pas forcément présenter des faits réels.


Cet engrenage narratif, semblant refléter le monde réel ou l'information est devenue un sujet dont on doit se méfier à tout moment, plongeant directement le lecteur dans un récit paranoïaque, conspirationniste même, oblige très certainement ce dernier à adopter une position réflexive lorsqu'il aborde l’œuvre. Les première pages seront donc très éprouvantes (et ni l'auteur ni les lecteurs ne s'en cachent) mais permettront de faire découvrir aux personnes les plus tenaces une histoire intelligence dont la résonance se manifestera encore longuement dans l'esprit après avoir refermé l'ouvrage.


Jonathan Hickman, en mélangeant fiction et réalité, écrit une fable cynique, un conte moralisateur sans morale à travers lequel il force le public à s'interroger sur le poids des médias, sur l'influences qu'ils ont dans chaque vie humaine, et sur les messages qu'ils diffusent. Nightly News est donc également un pamphlet anti-manipulation médiatique, donnant indirectement les clés pour parvenir à déjouer cette manipulation du quotidien, enseignant au lecteur à réagir intelligemment face à une information, à parcourir « correctement » un texte rempli de données. Le comics met en avant plusieurs dysfonctions de notre société contemporaine tout en démontrant la difficulté qu'il existe à la changer.


Nighlty News démontre également la violence radicale qui se crée bien souvent autour d'une intention de changement. L'auteur, de son propre aveux, veut avant tout montrer l'aspect « jusqu'au-boutiste » de certains militants politiques, le condamnant quelque part. Se posent dés lors plusieurs questions au lecteur parmi lesquelles « Jusqu'où est-on prêt à aller pour défendre ses idées ? » et si la réponse est « tuer », de se demander alors « Est-ce réellement plus juste de tuer que de manipuler ?».


Brassant des sujets complexes et nombreux tels que la morale, la liberté, la liberté d'expression, les médias, le pouvoir, l'abus de pouvoir, l'endoctrinement, la propagande, Hickman, comme très souvent, préfère poser les questions plutôt que d'apporter les réponses. L’œuvre ne se pose pas en maître à penser mais bien en remue-méninges, qui, à l'instar de sa partie graphique, s’apparentant davantage à un patchwork d'idées et de réflexions qu'à une ligne directrice cohérente.


Toujours dans cette idée de ne pas « choisir » d'axe particulier (de pas « choisir son camp » en quelque sorte), l'auteur se dédouane régulièrement des propos tenus par ses personnages, et surtout en ce qui concerne les actes de violence. Nous sommes évidemment là dans la plus pure tradition d'objectivisme que l'on demande au travail journalistique, thème central du livre, puisque les terroristes reprochent justement à leurs cibles de ne pas exercer leur travail correctement, préférant faire dans le sensationnalisme et l'émotionnel, au risque maintes fois prouvé de détruire des existences entières. Ironie que l'auteur soulèvera d'ailleurs puisqu'il commencera dans les premiers chapitres par se « désolidariser du type d’actes de violence mis en scène dans ce récit ».


Un Nota Bene de l'auteur qui, au demeurant, se modifiera au fil des chapitres pour devenir sans cesse plus ironique, plus burlesque, et surtout bien moins hypocrite, allant vers la fin du récit jusqu'à proclamer de manière brute et déchaînée « qu'il hait les gens et rêve de renverser le gouvernement » ! On est donc bien loin de l'auteur du début du livre qui nous signifiait toute en retenue qu'il était capable de faire la part des choses, dichotomie symbolisant une manière ironique de brocarder l'hypocrisie qui, en début d'ouvrage, n'hésitait pas à montrer des images violentes tout en affirmant s'en détourner. Comme si l'auteur voulait nous prouver que le naturel revient toujours au galop et que la vérité finit toujours par éclater.


Mais non content d’œuvrer dans l'ironie, le comics ne manque pas non plus d'humour ! De par ses dialogues bien sentis et ses multiples registres de lecture, Hickman voit là un moyen d'alléger un peu son propos mais surtout d'être particulièrement cynique face au monde qu'il dénonce. Ainsi, l'identité de « La Voix » par exemple, mystère plus ou moins bien conservé tout au long du récit, ne sera révélée qu'en toute fin d'histoire, s'accompagnant également de son nouveau projet, comme un ultime trait d'humour noir de la part de l'auteur.


L'humour toujours, qui passe également par la caricature de personnalités mûrement choisies. Ainsi Bill Stratton, journaliste hypocrite, est mentionné en bas de page par l'auteur comme étant un personnage purement fictif bien qu'il reprennent bizarrement les traits et les expressions langagières de Dan Rather, véritable journaliste américain, ex présentateur-vedette du journal télévisé "CBS Evening News" durant 24 ans. Cela permet à Hickman d'ancrer encore une fois son histoire dans la plus pure réalité du monde médiatique américain, mais également de se moquer de ses grands représentants, qu'il voit sans doute comme des caricatures d'eux-même.


En conclusion, Nightly News est un comic-book à la fois riche, complexe et cynique qui prend soin de dénoncer la gangrène des réseaux d'informations du XXIe siècle, dirigés par des familles plus riches les unes que les autres, ne laissant à personne le choix d'être indépendant ou tributaire du système. Cette critique appuyée est largement documentée par des recherches longuement menées et répertoriées au sein de l’œuvre sous la forme de notes de bas de page, de graphiques édifiants, et de statistiques alarmantes, ce qui la rend à la fois crédible et convaincante.


En fin d'album, les nombreuses références bibliographiques sont là pour rappeler le désir d'Hickman de livrer un récit complexe mais exact. A la fois acte militant dénonçant la servilité naturelle de l'être humain et pur exercice de style littéraire brillamment interprété, Nightly News est un livre atypique où le lecteur, au fil de sa progression, sera partagé entre de l'empathie pour John Guyton et sa lutte armée, et du dégoût pour la violence dont il fait preuve dans cette lutte. Ce personnage pris entre deux feux, à la fois manipulateur et manipulé, est le reflet parfait du citoyen lambda que malheureusement la vérité déboussole bien souvent.


C'est tiraillé entre ces deux sentiments que le lecteur découvrira l'acte, l'origine de l'acte et la raison de l'acte, étant plusieurs fois obligé de prendre position face à ces membres d'une secte malveillante qui sont malheureusement résolus à dépasser les limites que l'on s'impose habituellement. Car chaque lecteur sera de prime abord d'accord avec les données brutes et la voix off du lire, reconnaîtra aisément que les médias ne sont guère vertueux et qu'il faut que ça change, mais ce lecteur risque également fort bien de modifier son point du vue au fur et à mesure de sa lecture et l'escalade de la violence devant laquelle il est subjugué.



La Partie Graphique



« Il s'agit de la ville de New York. Capitale mondiale de l'information. Il s'agit du lieu où se concentrent les sièges des départements d'information des chaînes NBC, CBS, ABC et Fox News ; on y trouve également le quartier général de Time Warner, maison-mère de la chaîne d'information CNN. Il s'agit du centre névralgique de l'information au XXIè siècle. Il s'agit d'imprimer un mouvement. Il s'agit de communication. Il s'agit de propagande. Avant tout...il s'agit de contrôler. »


Nightly News est un album qui demande, peut-être encore plus que Pax Romana, un effort d'immersion de la part du lecteur. Habitué à un équilibre entre le texte et l'image, le spectateur risque bien d'être tout bonnement noyé dans l'affluence et le déséquilibre radical des deux.


La charte graphique est audacieuse pour un médium comme le comics, faite essentiellement de contrastes très marqués, elle s'équipe de peu de couleurs, de peu de variations et de peu de mises en pages différentes. Elle est direct, répétitive, presque entêtante ! Les couleurs sont magnifiques, très recherchées, souvent détaillés en camaïeux de tons naturalistes. A la fois simple et matiériste, chaque page est l'occasion d'organiser un jeu d'équilibre singulier entre le texte, les graphismes et les couleurs.


Les personnages, ou plutôt les silhouettes, sont, comme souvent chez Hickman, brossés en zones de noirs et de blancs, parfois d’ocre et de terre. Cadrés de mille façon afin d'amener du dynamisme dans les compositions, les protagonistes possèdent des trais à la fois réalistes et caricaturaux, permettant ainsi de les reconnaître facilement, pourtant perdus dans ce brouhaha graphique des doubles pages qui sont légions (On notera par exemple la coiffure de John Guyton, triangulaire et acerbe, le reflet parfait de sa personnalité violente et en colère). L'auteur mêle le dessin direct et le symbolisme, affirmant ainsi son désir de faire passer des idées et de grands concepts avant une narration plus poussée.


A la fin du volume, une série d'explications de la part d'Hickman nous permet de comprendre le processus artistique qui est le sien. Répondant à une charte graphique stricte qu'il s'impose à lui-même, l'auteur choisit sciemment chaque couleur, forme, motif, symbole. Excluant presque totalement la mise en page de la bande-dessinée traditionnelle, il fait le choix de s'éloigner des cases, gouttières et autres structures de planches classiques pour mieux composer de grandes toiles où la verticalité est de mise, rappelant en cela les immeubles si typiques de New-York, ville où l'action se passe.


Essentiellement composés en double-pages (ce que l'on appelle habituellement double « Splash Page » dans le monde du comics, à savoir une image englobant toute une page, sans case ni découpage), les éléments graphiques s'assemblent en quelques compositions secondaires, pas davantage. Cette composition éclatée et fournie, alliée au texte omniprésent et en grande quantité, demande bel et bien une concentration du spectateur et peut même rendre la progression dans le récit éprouvante, sans doute voulue par l'auteur afin de s'assurer d'avoir un public attentif et volontaire face à son discours.


Allié à cela, des couleurs franches et naturelles qui flattent le regard, qui font le choix de ne l'agresser à aucun moment, mais surtout le recours palliatif d'éléments de design quelque peu stéréotypés (Ce que l'auteur appelle lui même des « conneries de designer ») destinés à combler l'absence totale d'arrière-plans figuratifs et de décors, dématérialisent encore davantage un récit qui baignait déjà largement dans l'approche symboliste et conceptuelle.


Mais au-delà du visuel à proprement parlé, c'est l'ambiance particulière de chaque page qui restera dans la mémoire du lecteur. Installant des atmosphères lorgnant du côté psychédélique et hallucinatoire des travaux numériques de certains plasticien contemporains, Hickman installe sa narration dans un contexte à la fois déstabilisant et hypnotique, lui permettant encore une fois de rendre le fond et la forme cohérents, le visuel devenant davantage perméable à l'histoire que dans un comic-book habituel, souvent plus terre à terre.



Les Thèmes



« - "Quand on ne peut pas contrôler la pensée du peuple, il faut recourir à la propagande"
- Laissez-moi deviner...Hitler?
- Chomsky.
- Eh bien, pardonnez ma franchise, mais Chomsky est un putain d'attardé. »


On trouve en fin d'ouvrage une bibliographie listant les sources essentielles dont s'est servi Hickman pour écrire son histoire. Cela comprend des rapports officiels menés par des organismes de statistiques mais également plusieurs ouvrages critiques sur les médias et le monde médiatique contemporain. Parmi ceux-ci, nous retrouvons un nom en particulier, celui de Noam Chomsky.


Né en 1928, Noam Chomsky est un linguiste et un philosophe américain extrêmement lu et relativement bien connu du grand public. Il est surtout connu pour être un intellectuel accessible à la plume acerbe, à tendance anarchiste. Au fil de ses publications, Chomsky n'a cessé de dénoncer les agissements immoraux des grands groupes dirigeants du monde. Bien que n'étant aucunement l’œuvre de Comsky, une liste représentative de 10 stratégies de manipulations du peuple à travers les médias a été très souvent utilisée pour illustrer les grands axes de la pensée de l'idéologue. Cette publication lui étant apparentée, elle tend à prouver que l'ensemble de ces stratégies fait partie intégrante du « système d’État » de chaque pouvoir en place, qu'il soit de gauche ou de droite, chaque puissance ne modifiant uniquement que le niveau d'intensité de chaque approche. Le contrôle d'une large partie des médias, voire de leur intégralité, étant un pré-requis pour que la stratégie fonctionne, que ce soit par nomination directe des grands patrons ou par copinage entre personnes influentes.


Ces 10 stratégies sont donc bien connue de Hickman, qui les a sans aucun doute croisées lors de ces nombreuses lectures passionnées sur Chomsky, et il est dés lors aisé de comprendre que ce dernier s'en est largement inspiré afin de caractériser les différents « secteurs » de manipulation qu'il a décidé de présenter dans son ouvrage. Essentiellement axé sur le monde médiatique (et donc économique) et le système de secte (et le recrutement terroriste qu'il lui est associé dans le comics), cette dichotomie aux nombreux parallèles permet à l'auteur de ne pas prendre parti, justifiant à la fois les deux et condamnant également les deux à parts égales. Il est donc tout à fait possible de repérer les 10 stratégies associées à Chomsky au sein de Nightly News, et ce « dans les deux camps ».



  1. La stratégie de la distraction


La première stratégie de contrôle du peuple est celle de la distraction. Il s'agit, pour le philosophe, de l'élément primordial du contrôle social. Elle consiste assez simplement à détourner l'attention du public des problèmes importants (dans lesquels sont bien souvent engagée des personnes influentes qui ne veulent pas que ça se sache) et des mutations de la société imposées par les élites d'un pays. Grâce à un flux constant d'informations inintéressantes et de pure distraction, cette stratégie de la « diversion » est également indispensable afin d'empêcher le public de s'instruire sur les sujets qui ne le regardent pas et de s'intéresser d'un peu trop près à aux domaines du pouvoir que sont la science, l'économie, la psychologie voire même le neurologie ou la cybernétique.


« Garder l’attention du public distraite, loin des véritables problèmes sociaux, captivée par des sujets sans importance réelle. Garder le public occupé, occupé, occupé, sans aucun temps pour penser; de retour à la ferme avec les autres animaux. » (Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »)


Hickman reprend cette stratégie de manière limpide dans son histoire, nous montrant nombre de journalistes préférer traiter l'information par le sentimentalisme et le sensationnalisme plutôt que par de vraies enquêtes approfondies et menées à tête reposée. Cela est parfaitement illustré par le nombre incroyable d’apartés que s'autorise l'auteur au sein du récit pour nous présenter les actions des grandes figures du monde médiatique et autres journalistes peu scrupuleux de servir des informations non vérifiées.


Mais poussant le vice plus loin encore, l'auteur crée un personnage, en la personne de « La Voix » et de son alter ego « public », qui use doublement de cette stratégie. Livrant un divertissement morbide au peuple en tant que dirigeant influent (en utilisant sa position de gourou d'une secte terroriste) et livrant des informations galvaudées aux membres dévoués de sa secte (en utilisant sa position de dirigeant influent), ce personnage vicieux et immoral monte les différents « camps » les uns contre les autres pour servir ses propres projets.



  1. La stratégie du faux problème


La deuxième stratégie pointée du doigt par les idées du philosophe est la création de problèmes artificiels. Cela permet non seulement de les garder sous contrôle (même s'ils semblent chaotiques au yeux du grand public) mais cela permet surtout de proposer des solutions adaptées (en réalité prévues dés le début) à un moment T qui arrange les dirigeants. Cette stratégie est appelée « Problème-Réaction-Résolution » et consiste à créer une situation prévue pour susciter une certaine réaction du public, à savoir qu'il demande lui-même des mesures (se faisant passer pour des solutions), mesures qui étaient en réalité déjà décidées par les dirigeants et qu'il fallait faire accepter au public. Le peuple ne se voit donc plus imposer des lois mais pense les réclamer lui-même et les accueille donc à bras ouverts.


Parmi les exemples cités, il y a notamment le fait d'organiser des attentats sanglants afin que le peuple soit demandeur de davantage de sécurité, et donc de moins de liberté, cette restriction de liberté étant donc le but de départ des dirigeants.


Encore une fois, Hickman applique à la lettre cette stratégie au sein de son œuvre ! En effet, « La Voix » et donc son alter Ego, le sénateur Jey Rector, organise ces attentats terroristes par le biais de sa secte pour publiquement proposer comme solution une libération totale de la liberté de la presse mais sans doute en réalité la restreindre, usant de ce projet altruiste comme alibis et couverture. Encore plus ironique, nous apprendrons à la toute fin du volume que le but premier était d'éliminer le plus de journalistes possibles et de tester le dévouement de ses ouailles pour le projet suivant : l'élimination des avocats ! Nous retrouvons là la double utilisation de chaque stratégie par la voix, usant de cette stratégie du faux problème pour à la fois faire passez un projet déguisé et tester l'engagement des membres de sa secte.



  1. La stratégie de la dégradation


La stratégie numéro 3 est celle de la dégradation et consiste en un principe simple : Faire accepter une idée en la graduant sur la durée. Afin de faire accepter une mesure inacceptable de prime abord, il suffit aux dirigeants de la graduer et de l'appliquer progressivement sur une longue durée (par exemple 10 ans). Afin de prouver ces dires, Chomsky explique que c'est de cette façon qu'ont été imposées les conditions socio-économiques du néo-liberalisme sur la décennie allant de 1980 à 1990. Plusieurs conditions ont alors été réunies progressivement parmi lesquelles l'augmentation du chômage, la précarité grandissante, la délocalisation de l'emploi et la baisse des salaires, autant de changements qui auraient été remarqués et auraient provoqués une révolution s'ils avaient été appliqués brutalement.


Nightly News illustre encore une fois très bien ce principe, mais cette fois davantage du côté de la secte que des médias. En effet, étalant son récit principal sur une courte durée, Hickman n'avait pas le loisir de remonter aux sources lointaines de la gangrène des médias, bien qu'il le fasse tout de même via les graphiques et statistiques du volume. L'auteur préfère aborder cette stratégie d'un point de vue plus personnel à travers les nombreux flash-back nous montrant l'enrôlement des membres de la secte, et en particulier celui de John Guyton, membre le plus dévoué. Nous découvrons alors que l'implantation des idées extrémistes de la secte n'a pas été faite du jour au lendemain mais bien sur une période de deux ans, alliant un discours condescendant et une attitude altruiste destinés à mettre des personnes brisés en confiance afin de mieux les manipuler sur la durée.



  1. La stratégie du différé


    Cette stratégie est simple et consiste à « différé » l'application d'une mesure dans le futur, partant du principe qu'il est plus facile pour le peuple d'accepter une mesure qui ne le touche pas dans l'absolu mais dans un avenir indéterminé. Cela est d'autant plus renforcé par la conviction profonde du public que l'avenir sera sans doute meilleur et que ces applications ne devront peut-être pas être mises en œuvre.



Au sein de Nightly News, cette stratégie est présentée sous la forme de débats interminables où chaque homme ou femme politique y va de son argument et de son « programme de campagne » fantasmé, l'actualité leur déroulant un véritable tapis rouge pour la propagande. Débats qui sont également organisés entre les ancien grands patrons des chaînes d'information américaines, ainsi le lecteur se verra gratifier d'une double page cinglante où plusieurs anciens patrons des grandes chaînes d'information déjeunent dans un restaurant de luxe en se remémorant comme cela était moins compliqué et plus efficace du temps où ils officiaient sans même se rendre compte qu'ils ont été floués par des décisions qui concernaient l'avenir mais qui sont aujourd'hui d'application. La preuve s'il en est qu'à toute époque, on ne voit que ses intérêts direct et un avenir plus radieux mais que cela s'avère très rarement le cas.



  1. La stratégie de l'infantilisation


    Il s'agit là de s'adresser au grand public comme à des enfants en bas-âge. Cela passe aujourd'hui essentiellement par la publicité ou les émissions bas de gamme diffusées en boucle à la télévision.


    « Si on s’adresse à une personne comme si elle était âgée de 12 ans, alors, en raison de la suggestibilité, elle aura, avec une certaine probabilité, une réponse ou une réaction aussi dénuée de sens critique que celles d’une personne de 12 ans ». (Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »)



Hickman n'use pas réellement de ce discours infantilisant, préférant rendre son récit plus riche et tentant ainsi d'éviter de tendre des arguments à d'éventuels détracteurs du comics mainstream. Mais il modifie habilement ce principe du discours « infantilisant » par un discours « condescendant », ce qui revient à peu près au même puisque le résultat est d'ôter toute notion critique au correspondant. Ainsi, nous découvrons à plusieurs reprises au sein du livre que La Voix use d'une certaine façon de s'exprimer lorsqu'elle s'adresse à John, déjà très affaiblit psychologiquement. Alliant discours stéréotypé de psychologue amateur et position avenante purement cosmétique, cet homme pour qui l'art de la manipulation n'a plus de secret parvient à rattacher nombre d'individus à sa cause à l'instar des plus grands gourous qu'a porté notre monde.



  1. La stratégie de l'émotion


Suite logique de la stratégie numéro 5, celle-ci consiste très simplement à rendre n'importe quel discours sentimental. A proposer au peuple un discours baignant dans l’émotionnel exacerbé plutôt qu'à lui livrer un discours cohérent poussant à la réflexion. Mais non content de transformer des informations qui, au mieux, n'ont pas été vérifiées, l'émotionnel permet également de s'adresser à l'inconscient du spectateur, c'est à dire à ses capacités primitives et limitées plutôt qu'à son intellect développé. Il est dés lors bien plus facile d'implanter des idées simples comme le désir, la peur… voire des comportements voulus. La population se faisant dés lors manipuler par son propre cerveau primitif et ne pensant même plus à remettre certaines informations en question, vidé de tout sens critique quant à certains sujets.


Cette stratégie étant liée à la stratégie de l'infantilisation, il n'est pas étonnant de la voir particulièrement usée dans la relation de John Guyton et de La Voix. Et cela est particulièrement exacerbé dans les premières pages de l'ouvrage, moment où John est lui-même en train de rallier un pauvre homme à la secte. Il ne lui expliquera pas l'importance de son engagement ni les raisons qui l'ont poussé à le faire à l'aide de statistiques exactes et de recherches dûment menées, mais bien en abordant le sujet sous le prisme de la vie privée et émotionnelle de la personne qu'il cherche à recruter, lui rappelant avant tout que sa femme l'a quitté et que son fils appelle quelqu'un d'autre « papa ». Le discours est donc bel et bien émotionnel avant d'être rationnel.


La suite du livre dénonce encore davantage cette pratique puisque c'est tout bonnement l'un des sujets principaux de Nightly News. En effet, La cause première des actions de la secte, et donc l'argument primordial du récit, est le principe même des journalistes de ne pas rechercher la véracité d'une information, préférant la rendre fausse mais émotionnelle et vendeuse, au risque certain de détruire des existences entières.



  1. La stratégie de l'ignorance


Il s'agit également de plonger et de garder le public dans l'ignorance la plus complète quant aux sujets susceptibles de lui dévoiler certaines vérités. C'est ainsi que les médias ne parleront que très rarement des aspects technologiques et méthodiques permettant d'y voir plus clair dans certaines mesures. Par exemple, nombre de dirigeants expliqueront à la population que des coupes budgétaires doivent être effectuées mais jamais ils n'expliqueront en détail les méthodes de répartitions du budget de l'état et jamais ils ne donneront de données réellement précises.


«La qualité de l’éducation donnée aux classes inférieures doit être la plus pauvre, de telle sorte que le fossé de l’ignorance qui isole les classes inférieures des classes supérieures soit et demeure incompréhensible par les classes inférieures. »(Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »)


Non seulement Hickman abordera cette stratégie à maintes reprises, et la façon la plus claire qu'il a de le faire est de nous présenter un personnage « anonyme » comme antagoniste principal (La Voix), symbole même de la rétention d'informations dont usent des dirigeants mal intentionnés, mais il se permettra de l'appliquer en son propre nom ! Ainsi, il propose très tôt au lecteur de ne pas lire les données chiffrées appuyant son propos, si, comme lui, le divertissement est plus important que l'information exacte. L'auteur reproduit donc directement la stratégie de l'ignorance en engageant le lecteur à ne pas se renseigner correctement sur les sujets abordés, Hickman poussant le vice jusqu'à placé l'information sous le nez du public pour prouver ses dires avec encore plus de force.



  1. La stratégie de la norme


Un dirigeant voulant un peuple soumis doit persuader le peuple qu'être soumis est positif. Ainsi, les médias n'auront de cesse de non seulement proposer des informations et divertissements idiots et infantilisants, mais ils tenteront de persuader que cette idiotie est la norme, voire mieux encore, le summum de l'échelle sociale. C'est ainsi qu'on livrera au public toujours plus d'icônes superficielles et irréfléchies, poussant le public à reproduire ce mode de vie et cette façon de penser le monde. Cela se fera par la diffusion d'émissions aux protagonistes réunissant amplement ces critères, qu'ils soient créés pour des fictions ou recruter pour des émissions de télé-réalité.


Hickman nous livrera donc à son tour nombre des personnalités superficielles et ouvertement idiotes dans son récit, icônes contemporaines et représentants majoritaires de l'inactivité intellectuelle dans laquelle le peuple doit être plongé. Nous croiserons donc au fil des pages une journaliste en petite robe d'été (« Courteney Lynn-Kyle ») dont les propos les plus évolués en matière de linguistique sont « trop top » et « sexy », mais également le présentateur vedette Bill Stratton, journaliste hypocrite et caricature du cette fois très réel Dan Rather, dont la façon de s'exprimer ne s'articule qu'autour d'expressions toute faites et de termes d'argot du plus bel effet (dont son fameux « L'actualité, plus chaude qu'une Rolex sur Time Square » qui reflète à elle toute seule l'aspect superficiel, mercantile et vide de son propos).



  1. La stratégie de la culpabilité


Il faut pousser le public à se persuader qu'il est le seul responsable de son malheur., et ce à cause de l'insuffisance de son intelligence, de ses capacités ou de ses efforts, sans toutefois l'encourager à y apporter un changement quelconque. Ainsi, le peuple ne pourra s'en prendre qu'à lui-même lorsque les choses tourneront mal et se verrtera dans l'incapacité intellectuelle de réagir. Et qui dit « pas d'action » dit « pas de révolte » dans la tête des puissants. Tout cela engendrera un état semi-dépressif chez les individus, les rendant d'autant plus malléables.


Encore une fois, cette stratégie passe davantage dans l'aspect sectaire du récit, notamment dans le choix des membres à recruter. Il s'agit évidemment de personnes brisées et laissées pour compte par la société. Mais Hickman propose une variante à l'analyse de Chomsky et complexifie un peu le propos. En effet, dans Nightly news, la faute ne sera pas sans cesse rejetée sur la population mais bien sur un bouc-émissaire désigné, en l’occurrence le monde journalistique et les grands groupes médiatiques, ce qui donnera exactement le même résultat, à savoir une action contre ce bouc-émissaire et donc une inaction face au reste du pouvoir en place. C'est en effet tout d'abord en accusant les médias de leur pénible situation que John Guyton parviendra à recruter les membres de la secte et, plus tard dans l'ouvrage, c'est en cherchant sans cesse un nouveau bouc-émissaire précis que les différents protagonistes se dédouaneront de toute responsabilité.


Ainsi, les anciens grands patrons des chaînes d'informations accuseront la jeune génération, plusieurs journalistes accuseront le système éducatif, John Guyton n'aura de cesse, complètement endoctriné qu'il est, d'accuser quant à lui les grands représentants des médias, et, comble du cynisme, le sénateur Rector persuadera John en toute fin d'ouvrage qu'il y a un « nouveau » responsable à ses malheurs : les avocats. Hickman met donc parfaitement en avant ce principe de renvoyer la faute sur autrui, manipulant le peuple pour qu'il ne découvre jamais le vrai responsable des injustices qu'il subit au quotidien.



  1. La stratégie de la transparence


Cette stratégie consiste à rendre chaque individu, ainsi que ses actions et ses réflexions, complètement transparent aux yeux des dirigeants. Il faut en effet que le pouvoir en place connaisse le citoyen mieux qu'il ne se connaît lui-même. Cela passera par le développement et l'utilisation de sciences comme la biologie, la neurologie et la psychologie appliquée, permettant chacune d'accroître la connaissance du genre humain et de ses comportements face à certains stimuli. Cela engendre évidemment un contrôle bien plus grand de la part des dirigeants sur un être humain qu'il n'en a lui-même sur sa propre personne.


Hickman traite de cette stratégie de manière plus soutenue bien que de deux façons particulièrement percutantes. Premièrement, il dépose plusieurs pistes de réflexions ponctuelles au sein du récit sur cet aspect de l’œuvre de Chomsky, notamment en abordant les thèmes du suivis psychiatrique, de l'endoctrinement et du déconditionnement d'individus qui se sont fait « avoir » par le système. Deuxièmement, Hickman démontre cette stratégie en se servant directement du public, notamment en lui révélant qu'il sait que le lecteur ne s'intéressera pas aux tableaux, graphiques et statistiques dont il parsème son comics. Le lecteur a alors le choix de lui donner raison et de pas s'y intéresser ou bien de lui donner tors et de s'y plonger. Mais Hickman a-t-il manipuler le lecteur ? L'a-t-il « obligé » à se plonger dans son travail de recherche en provoquant le public par l'affirmation que personne ne lirait ces informations ? La question reste évidemment ouverte et chaque lecteur décidera ou pas de rechercher la vérité...



Les Sources



http://www.senscritique.com/bd/The_Nightly_News/critique/37970854


http://www.senscritique.com/bd/The_Nightly_News/critique/37951250


http://www.senscritique.com/bd/The_Nightly_News/critique/67979335


http://www.senscritique.com/bd/The_Nightly_News/critique/46402074


http://www.actuabd.com/Nightly-News-Par-Jonathan-Hickman


http://www.planetebd.com/comics/urban-comics/nightly-news/-/24216.html


http://www.babelio.com/livres/Hickman-Nightly-News/637239


http://www.monpetitcoin.com/fr/francois/blog/detail/article/nightly-news/


http://www.sceneario.com/bande-dessinee/nightly-news/nightly-news/21836.html


http://www.republ33k.fr/the-nightly-news-review/


http://www.paperblog.fr/7368258/jonathan-hickman-nightly-news/


http://leblogbd.nicematin.com/2014/10/nightly-news-de-jonathan-hickman.html


http://blog-picard.fr/bulles-picardes/les-albums-a-ne-pas-rater/nightly-news-ou-la-critique-tres-radicale-des-medias/


http://lenational.ht/les-dix-strategies-de-manipulation-de-masse/


http://www.unidivers.fr/noam-chomsky-manipulation-masses-consentement/


Merci.


Retrouvez l'article original ici agrémenté d'illustrations :)

Créée

le 4 déc. 2015

Critique lue 452 fois

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