L’arbre de la créativité numérique est de plus en plus luxuriant, et l’édition traditionnelle a vite appris à en récolter les meilleurs fruits.
Ainsi en va-t-il de Nimona, web comic culte, distingué en 2012 par le Cartoonist Studio Prize de Slate Magazine et franc succès public et critique dès sa publication papier par HarperCollins en mai 2015.
“ Coup d’essai, coup de maître “ pour Noelle Stevenson. Car Nimona recèle des profondeurs insoupçonnées le plus souvent absentes des premières oeuvres.
C’est d’abord un beau morceaux de coolitude, une comédie dramatique baroque que les amateurs de Bryan Lee O’Malley (mais pas qu’eux !) adoreront. Nimona est incroyablement attachante, drôle, mordante, puissante, irrévérencieuse, à la fois violente et tendre, une fille bourrée de talent et incontrôlable, it girl geek connectée avec le ici et maintenant. Et si le monde dans lequel elle évolue, société médiévale vivant en symbiose avec moultes technologies futuristes n’a rien d’original, N. Stephenson a su le construire en harmonie avec l’air du temps, grâce à son dialogue permanent avec sa communauté de lecteurs.
Au-delà cette plastique déjà intéressante, Nimona emporte aussi l’adhésion en tant que formidable métaphore de l’adolescence. Son pouvoir de métamorphe renvoie bien sûr à ces années de mutation violente. Plus finement, Nimona apparaît comme l’élément qui brise l’ordre établi, en mettant au jour de faux antagonismes. Elle détruit ainsi l’opposition classique du héros (Goldenloin) et du méchant (Blackheart), fait dérailler celui-ci, instrumentalisé par les institutions comme mouche du coche. Noelle Stephenson évoque ainsi toute la force de la rébellion adolescente contre les hypocrisies des conventions adultes.
Sans parler de ce moment poignant où Nimona se retrouve divisée entre son moi enfant et son moi dragon, représentant les pouvoirs écrasants de l’adulte que l”adolescent peine à maîtriser.
C’est ainsi qu’on est bien triste, à la fin du livre, de devoir quitter Nimona, rousse éruptive à la coupe de punk à chien lâchée au milieu d’un ballet d’opéra. Mais elle nous quitte comme nous quitte la jeunesse : en laissant des traces et en laissant espérer son retour.