Un fléau décime tous les mammifères mâles de la planète, hommes y compris. Ne reste que des femmes, et un seul mec accompagné d'un petit singe, qui ont survécu sans explication.


Sujet original, passionnant dans ses potentielles perspectives, on ne sait pas dans quoi on s'embarque et finalement, le voyage ne sera pas à la hauteur.


Parce que sujet possiblement casse-gueule, la prise de risque est minime. Tout le monde, dans Y The Last Man, est extra-ordinaire. Personne n'est ordinaire. À commencer par Yorick, le héros. Un mec ordinaire, un peu banal quoi, il aurait été un peu sexiste, un peu homophobe, un peu raciste (et un peu lâche. Pas trop, assez peu pour le dissimuler sur le court-moyen terme, juste assez pour qu'il finisse, ici et là, par dire ce qu'il pense et donc devoir se confronter aux autres.


Et là on aurait eu un sujet en or ; un type forcé d'évoluer au contact des femmes, de réviser ses préjugés, de se positionner par rapport à sa situation, de prendre conscience de sa place dans le monde en tant qu'unique géniteur, fantasme d'homme, prédisposition génétique, et en même temps réalité et questionnement moral vertigineux.


Sauf que Yorick ça lui passe par dessus, et il est parfait dans son genre ; mec mais pas macho, chevaleresque mais pas viril, intelligent mais avec un humour nul, cultivé mais pas intello, athlétique mais pas musclé, etc. Chacune de ses qualités d'homme idéal est équilibrée par un défaut qui ne le dégrade pas, mais le rend possible, acceptable. Pour moi il est transparent.


Même constat chez les femmes. Où sont les hystériques, les romantiques, les nunuches, les intellectuelles libérées ou coincées, les frustrées et les épanouies, les mal-baisées et les frigides, où sont passées toutes les femmes ordinaires qui, à l'instar des hommes, sont pleines de défauts, de faiblesses, de défaillances parce qu'elles font leur chemin dans un monde hostile ? À la place un défilé continu de bombasses, avec quelques vieilles femmes et quelques grosses de temps en temps pour la figuration, comme dans certaines séries télé.


Il n'y a ni homme ni femme dans Y The Last Man, il y a des personnages génériques, à qui on attribue des traits. L'Agente secrète, la militaire, la lesbienne-scientifique, la baronne de la drogue, la féministe extrême. On leur invente parfois un passé, mais ce passé n'éclaire pas le personnage.


Je crois que le seul personnage que j'ai trouvé vrai, femme, c'est Hero, la soeur du héros, au moins durant la moitié de la saga. Confuse, passablement timbrée, des expériences humiliantes avec des hommes, une adolescence ingrate, c'est la seule qui me semble avoir un parcours humain, un parcours que je peux comprendre, dans lequel j'ai des repères. Les autres sont de purs produits de fiction, ils sont artificiels.


J'ai du mal aussi à bien saisir l'univers. En l'absence des hommes, le monde s'écroule sans explication (en temps de guerre c'est pourtant les femmes qui font tourner un pays), on ne croise quasiment pas d'enfants.




Passé ce constat, prenons les choses sous un autre angle. Durant les deux premiers tomes j'étais sous le charme de l'idée de départ, et les évolutions étaient, si ce n'est passionnantes, au moins intéressantes, il y avait des perspectives.


Gros ventre mou du tome 3 au milieu du tome 5 (le dernier) ; la série empile des étapes dans le parcours qui ne font pas avancer grand-chose. À ce moment Y The Last Man ressemble à une série télé avec une super idée de départ, dont l'auteur n'a aucune idée de développement, mais grâce à laquelle il va pouvoir accumuler les saisons en faisant avancer une intrigue bidon au compte-goutte jusqu'à la révélation finale nulle lorsque le taux d'audience entamera son déclin. Heureusement ça ne dure pas trop longtemps et la fin arrive avant l'ennui complet (bien que certains sur SensCritique ont lâché dès le premier tome, pressentant ce que j'ai mis plus de temps à découvrir).


L'histoire est émaillée de bonnes idées qui donnent envie de continuer et de connaître la suite, même si ces idées sont souvent juste bonnes en surface, ou restent à la surface. La fin, sans vous la raconter, fait partie de ces bonnes idées pas creusées ; je pense qu'elle aurait pu faire l'objet d'un tome complet si l'auteur avait réellement eu pour sujet la place de l'homme dans le monde. Ici elle se limite à quelques pages.


L'auteur a du flair, il sait souvent vers quelle direction se diriger ou quels sujets aborder, mais sa vision des hommes et des femmes, lâche et politiquement correcte, fait de Y The Last Man un rendez-vous manqué.
Ce n'est pas ici qu'on sondera l'âme de l'homme, ni le coeur des femmes.

BlackLabel
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le 13 oct. 2016

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