J'aime faire des chaînes d'inspiration : Oasis s'inspirait des Beatles, John Lennon disait s'être mis à la musique en écoutant Elvis Presley qui lui même puiser son inspiration dans la musique des noirs. Et de me dire que si un vieux bluesman n'avait pas gratté trois accords sur sa guitare avant guerre, on aurait pas eu Wonderwall dans les années 1990.
Dans les années 1930, Shigeru Mura (plus tard Mizuki) écoute les histoires d'une vieille femme pauvre du voisinage, NonNonBâ, auquel ses parents donnent parfois des travaux de femme de ménage. Celle-ci imprégne l'esprit de Shigeru d'histoires sur les Yokaï, au point que ceux-ci sont limite indissociable de ses souvenirs quotidiens : une légère tétanie sur un chemin de campagne ? Ce doit être les hidaru-gami. Du bruit dans une vieille maison hantée : C'était la présence d'Uwargh... etc.
Dans les années 1960, alors qu'il recherche des récits d'horreur à raconter en manga, Mizuki puise alors dans cette matière, issue des vieilles légendes de campagne. Cela fonctionne et c'est sans doute pour cela que les Yokaï ont gardés leur popularité au japon, là où ils auraient pu être bouffé par la modernité galopante auquel le pays à fait face. Sans cela, pas mal de Yokai auraient disparus de l'inconscient collectif, et la gueule de certains Pokemon, un jeu comme Yokai Watch et les personnages de Touhou auraient eu une tronche carrément différentes.
Mea Culpa :
Je disais à la lecture des deux tomes de 3, rue des mystères que cela ne m'avait absolument pas marqué, sans doute à cause d'un trait de dessin que je trouvais trop maladroit et d'histoires que je trouvaient datés. Maintenant que je sais (grâce à l'introduction de ce volume) que cela a permis de re-populariser les histoires de Yokai au japon et que je connais le background derrière ces histoires, celui-ci m'apparaît nettement plus intéressant.
De plus, après avoir lu sur wikipédia que Shigeru Mizuki, gaucher de naissance, a dessiné toutes ses bds alors qu'il a eu le bras gauche arraché pendant la guerre... je me dis je peux bien fermer ma gueule sur son style de dessin.
NonNonbâ :
J'avoue cependant que le (gros) volume de ce NonNonbâ marque quand même une plus grande maturité de Shigeru Mizuki dans le manga : l'histoire est bien plus maîtrisé que ses historiettes qui parfois finissait en haut de boudin, et le dessin, même s'il est toujours simple, reste bien plus maîtrisé, moins répétitif qu'auparavant. On se prend d'affection pour cette vieille grand mère qui raconte des histoires aux villageois, les enjeux sont hyper intéressant et on a du mal à décrocher de l'histoire.
De plus, il y a une galerie de personnages assez fantasque, a commencé par le personnage principal, Gégé, qui apparaît comme un gamin débonnaire et un peu je-men-foutiste. Un trait de caractère qu'on retrouve chez son père, qui tranche complètement avec l'image du père de famille japonais (il est rêveur, peu travailleur, pense plus à s'amuser qu'à pourvoir aux besoins de sa famille.)
Si l'histoire fini sur une note assez douce amère et relativement peu "Kid's Friendly" (on parle de prostitution enfantine) elle réussi à dresser un portrait du japon d'avant guerre au sein d'une histoire bien raconté. Et c'est franchement réussi.