Un mélange d'autobiographie et de reportage mal ficelé.

Prenez un peu de documentaire saupoudré d’autobiographie, un sujet grave, ajoutez le mot « Auschwitz » dans le titre, mélangez le tout et vous obtenez « Nous n’irons pas voir Auschwitz ». Première bande-dessinée de Jérémie Dres, elle est publiée chez Cambourakis pour plus de 200 pages sur la communauté juive de Pologne.


Jérémie Dres est petit fils d’une juive polonaise. À la mort de cette dernière, il décide de se rendre avec son frère en Pologne sur les pas de sa grand-mère. Mais pas question d’aller voir Auschwitz. Le but est de… De quoi justement ? Le livre mélange deux sujets : les recherches de ses racines par Jérémie et la communauté juive actuelle en Pologne.


« Nous n’irons pas voir Auschwitz » est rapidement gênant par sa structure mal définie. En oscillant en permanence entre autobiographie et documentaire, Jérémie Dres perd le lecteur. Rapidement, sa partie personnelle nous indiffère. Traitée sans aucune émotion, on se demande bien ce que va chercher l’auteur en Pologne. Indiquant que peu d’ouvrages traitent de la troisième génération (à l’inverse de « Maus » de Spiegelman qui traite des enfants des survivants), il se tire une balle dans le pied. Car justement, les petits-fils semblent bien indifférents à toute cette histoire et leur quête semble ne mener nulle part. Devant les tombes de leurs ancêtres, ils restent sans émotion aucune. Alors pourquoi en faire un livre ?


L’autre plan du bouquin est l’axe documentaire. Encore une fois, l’auteur se tire plusieurs balles dans le pied. Il montre bien qu’il n’a pas beaucoup préparé son voyage et il ne part qu’une petite semaine. Et à son retour en France, une spécialiste sous-entend qu’il n’a pas interrogé les personnes les plus fiables… Bref, on ne sait pas trop quoi penser de tout cela.


Ce qui m’a beaucoup gêné dans l’ouvrage est la part de paranoïa aigue du livre. Les deux frères et leurs familles semblent traiter les Polonais comme des gens dangereux et profondément antisémites. La parole ne leur est jamais donnée. Du coup, les juifs polonais semblent n’être polonais que par le fait de vivre dans le pays. Cet aspect communautaire est profondément choquant, même s’il est une des données de l’équation.


Concernant le dessin, il est très inégal et frôle l’amateurisme. Les aplats noirs laissent paraître les traits du feutre, les textes sont assez désagréables à lire (même si on s’y habitue). Les pages paraissent souvent vides, l’absence totale de couleur, d’aplats (noirs ou gris) ou de hachures fait que le dessin manque d’épaisseur, de substance. Quant à la narration, elle se fait beaucoup par les dialogues et les entretiens faits avec les personnes qu’ils rencontrent. Mais l’ensemble manque d’inventivité.


« Nous n’irons pas voir Auschwitz » est un livre mal conçu à tous points de vue. Malgré l’intérêt documentaire indéniable de l’ensemble, on ne peut s’empêcher de remettre en cause ce que l’on nous raconte. La démarche de l’auteur est peu claire (pour lui aussi visiblement) et il accouche d’un ouvrage mal ficelé, au dessin trop léger. À lire si le sujet vous intéresse. Sinon, passez votre chemin.

belzaran
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le 27 févr. 2016

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