Ça va parler des Tortues, du coup ça va pas être un minimum objectif, désolé par avance.
4 tomes.
Clairement la meilleure surprise de ces dernières années dans le monde des comics, cette tentative de mettre à nouveau en pages les périples pleins de tabasse des quatre reptiles caparaçonnés et de leur maître rongeur s'avère une petite réussite en soi et une énorme providence pour le fan avide qui n'avait pas trouvé grand chose de vraiment folichon dans le domaine depuis leur caméo dans Savage Dragon.
Je n'aime pas vraiment les "super héros", ceux qui volent, tissent des toiles, pulvérisent des galaxies, ont la puissance d'un million de soleils, sont des grosses plantes vertes, jouent du marteau ou du bouclier étoilé, friment en armure ou avec des boomerangs customisés... Ça finit toujours par me gonfler... Ces histoires qui ne savent pas où mettre les pattes, entre extravagance dantesque et contexte pseudo-sérieux d'âme triste et déchirée par la perte d'un proche, d'une personnalité, d'un souvenir, de l'estime de soi, blablabla... C'est chiant.
Par contre ! L'histoire de quatre tortues mutantes entraînées au ninjitsu entre deux pizzas dans les égouts de New York par un rat, ça je prends. Ce n'est pas seulement parce que le dessin animé a bercé ma jeunesse ou que les deux premiers films son surement mes premiers forts souvenirs de salle de cinéma, c'est aussi parce que le scénario complètement con de ce comics s'est trouvé avec les années en parfait accord avec mon amour pour la série B un peu débile et les oeuvres fauchées délirantes, certes parfois modestes et sans grande portée, mais tellement inspirées...
"Nouveau Départ" reprend donc cette famille des sous-sols et tente d'en rafraîchir le goût, essayant de rendre cet ensemble d'avantage... euh... "crédible"... (?) Enfin un truc comme ça quoi.
Petit rappel tout de même : A la base, dans le comics d'origine et le film de 1990, l'histoire parle d'un rat qui a appris le ninjitsu en observant son maître, Hamato Yoshi, s’entraîner avant de le voir assassiné par Oruku Saki qui prendra plus tard l'illustre pseudonyme de "Shredder". La plupart des gens de bon goût se rappellent de la scène du film totalement absurde où le rat mimait les high-kicks dans sa cage, alliant le charme du n'importe quoi au ridicule proche du délire originel de ses créateurs gavés de pizza et de bière.
Le dessin animé lui reprenait l'histoire en parlant d'un maître d'arts martiaux se retrouvant dans les égouts et se changeant en rat au contact du mutagène. Je n'vais pas trop rentrer dans les détails (tout le monde s'en fout), mais l'ensemble des réinterprétations créait un gros foutoir tout en laissant la place libre à une nouvelle version. Celle là même.
Splinter, le rat, EST Hamato Yoshi. Il est sa réincarnation. Et les quatre tortues, les réincarnations de ses fils (voilà, comme ça c'est plus crédible...). April n'est pas journaliste mais étudiante et c'est dans un labo qu'elle rencontre les mignonnes petites bêtes d'écailles enfermées dans leur terrarium avant de les nommer d'après un de ses livres d'histoire de l'Art. Un jour il y a un cambriolage orchestré par des ninjas (les ninjas c'est cool), les tortues et le rat sont perdus et tombent dans les égouts au milieu d'une flaque de fluide, ils se transforment et paf, Tortues Ninja.
Ce "nouveau départ" crayonné comporte à ce jour quatre tomes parus chez nous et on peut espérer en voir bientôt la suite. L'histoire reprend à sa manière les plus forts personnages de la franchise, de Shredder à Krang en passant par Stockman, Karaï et le clan des Foot ou Slash la méga tortue-hérisson-bulldozer.
En tant que gros fan de tout ce bordel, j'avoue adorer le boulot fourni ici, tant au niveau narratif que de mise en images ou de création de créatures diverses. C'est pas exceptionnel hein, c'est juste ce qu'il faut pour nous les rendre attachants.
Les tortues commencent l'aventure avec chacune le même bandeau rouge, à l'instar du comics d'origine où elles ne se différenciaient que par leurs armes et leurs personnalités. Avec le temps, les dites personnalités s'affirment et l'idée de se différencier avec un bandeau de couleur différente pour chacune s'amène. Le comics a établi son parti pris : Tenter de reconstruire quelque chose de captivant avec le plus marquant des origines et le meilleur de l'héritage. Ce sera donc punchy, parfois violent, légèrement sombre, bardé de quelques insultes bien senties, tout en gardant une ambiance bon enfant et un climat de franche déconnade malgré des tempéraments conflictuels.
Michelangelo, bandeau orange : Gros gamin blagueur d'apparence immature et véritable piranha dans le monde des pizzas.
Donatello, bandeau violet : Génie de l'informatique et de la mécanique, il garde un tempérament proche de celui de Michelangelo, en plus adulte. Le genre à adoucir les conflits.
Leonardo : Le combattant accompli, l’aîné et le leader du groupe. Sage, réfléchi et technicien hors pair en matière de rixe.
Raphael : L'opposé de Leo. Bourrin invétéré, cogneur, bagarreur, irréfléchi, rancunier, vengeur et bourru. C'est l'imprévisible du groupe, certes bien au milieu de ses frères mais gardant ses grands besoins d'errances solitaires.
Une fois ces personnages forgés et tout le reste mis en place (désirs de conquête d'un certain Krang, méfaits d'un dénommé Shredder, menaces d'une armée de l'ombre...), libre à chacun de s'y attacher ou non, mais si tel est le cas, alors ces pages s'avèrent extrêmement généreuses dans un tracé d'une certaine "simplicité" assez bienvenue offrant quelques scènes de dérouillés très bien amenées. C'est certes pas aussi fouillé que le dessin très élaboré des grands pontes de la bd américaine, s'affairant sur les noms du panthéon du genre, de DC à Marvel, mais ça reste excellent, en accord parfait avec son sujet, dans un cadre plus modeste, plus détendu, décomplexé, un cadre d'égouts, les plus charmants qui soient.
C'était en 1984, juste une parodie au départ... Eastman et Laird déconnaient avec leurs crayons et leur amour pour Frank Miller... Tout en palabrant, Eastman esquisse l'idée d'un personnage, une tortue humanoïde, trapue, munie d'un bandeau et d'un nunchaku (oui c'est Michelangelo l’aîné en fait). L'idée que ça pourrait être rigolo de faire quelques pages-hommages parodiques avec ce genre de personnage... 30 ans plus tard, ce délire arôme pizza-bière-série B est devenu une légende.