Voilà un roman graphique qui ne peut laisser indifférent ! J'élimine tout de suite les considérations zoologiques, ce n'est pas un documentaire sur les moeurs de l'orignal, ce cervidé du continent américain. Il est là uniquement pour donner à l'intrigue sa part de rêve et heureusement, car elle en a bien besoin...
Joe est un collégien, paraissant rêveur, aimant visiblement la nature car, il préfère, malgré la neige, rejoindre son collège à pied plutôt que dans le car de ramassage scolaire. C'est ainsi qu'un matin, il se trouve nez à nez avec un orignal... Ce qui aurait pu être une énième histoire d'amitié entre un garçon et une bête sauvage, prend soudainement un virage plus contemporain et surtout plus inquiétant. Ce qui nous avait paru de la mollesse et de la rêverie n'est en fait que le profond mal être d'un élève victime de harcèlements divers et de racket de la part d'un de ses camarades de classe, l'inquiétant et vicieux Jason. D'humiliations en coups divers et variés, Joe va vivre un véritable enfer sous les yeux d'adultes intrigués, interrogateurs mais finalement impuissants à faire parler l'adolescent proprement terrorisé par son tortionnaire. Le récit impitoyable va avancer vers un final terriblement inconfortable, qui laisse le lecteur dans un état étrange, partagé entre rejet et soulagement.
Pour moi, ce récit est un vrai coup de coeur. En plus de sa fin perturbante (et vous savez peut être que j'aime bien être dérangé par une lecture ), Max de Radiguès excelle à mettre en perspective les sentiments de son personnage principal . Grâce à un dessin au trait fin et simple, permettant à n'importe quel lecteur une identification troublante, son récit progresse inexorablement vers un final éminemment ambigüe et dérangeant. La succession de planches narratives et celles sans texte rappelle parfois "Elephant" de Gus Van Sant dont le propos était assez différent mais dont on retrouve ici le même mal être et qui distille également une terrible violence sous-jacente. Je ne dirai rien de la fin de cette histoire sauf que la sexualité y joue un rôle important, à la fois primaire mais également psychanalytique, complétant ainsi ce tableau hyperréaliste du monde implacable de la sortie de l'enfance.
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