Pandemonium Wizard Village ou Pandemonium majutsushi no mura pourrait ressembler, à si méprendre, à ce qu'aurait pu produire un réalisateur de film d'animation seul, sans aucun budget, si ce n'est son atelier de dessin et internet pour publier son travail.
Durant les 12 chapitres que composent ce manga, j'ai eu l'impression de voir défiler l'un de ces films d'animations français 2D (vous savez, avec les contours qui bougent un peu), avec toutefois une intrigue bien plus poussée et "mature" (Ce manga est d'ailleurs classé "seïnen").
Tout en étant parfaitement adaptées à leur support de base, les pages sont telles que si l'on devait les adapter en support animé, il n'y aurait RIEN à changer, absolument, juste adapter les plans et les dialogues au mot près et nous aurions là un solide film d'1h30~40.
PWV, c'est d'abord un graphisme fort. L'auteur est un "hobbyist" comme il se décrit lui même, mais il a clairement une patte qui lui est propre. Tout est dessiné main avec des couleurs sépia/ocres et il s'inspire clairement de la bande dessinée européenne tout en gardant son "patrimoine japonais" c'est à dire une mise en scène très forte et des personnages qui arrivent à être mignons/classes sans reposer sur des stérotypes graphiques. Les décors ne sont pas en reste et disposent tous d'une solide identité graphique, jouant énormément sur le contraste du noir et du sépia.
Le pitch assez obscur, nous conte l'histoire d'un monde assailli depuis bien des années déjà par "ceux qui "épient dans les cieux" où chaque soir, ils font tomber de gigantesque éclairs qui creusent la terre (mais vraiment des trous gigantesques), et la souillent... brûlant les villes et tuant les survivants par une âcre fumée toxique.
La légende voudrait que "ceux qui épient dans les cieux" vivraient au nord dans un village reculé exerçant leur magie et leur difformité à l'abri des regards du monde. C'est à leur recherche que vagabonde vers le nord Zepher, portant le cercueil de sa défunte petite amie afin qu'ils lui redonnent vie.
Leur résumé se veut assez sombre et intriguant, mais loin d'un scénario pleins de mystères, PWV est avant tout une histoire de personnages, le village, ses habitants, et la relation de "l'étranger" avec eux... Non, mieux ! PWN arrive à mêler habilement tous ces éléments: scénario à tiroirs, ""tranche de vie"", etc, sans que l'une de ces pièces ne soit sur ou sous traitée, ou qu'elles soient des poncifs (rappelez-vous ça pourrait tenir en un film).
J'ose la comparaison, bien que ça n'ait rien à voir, mais ce film a des airs de Miyazaki en ce sens que l'univers soit travaillé et intrigue... sans que l'on ne possède AUCUN NOM véritablement précis, à l'instar d'un Laputa où mis à part le nom de la ville volante, nous n'avons aucune espèce de repère temporel ou géographique... Ce film a-t-il un univers pauvre pourtant, non ? Eh bien Pandemonium fait pareil.
Mais la vraie force de ce manga, ce sont les personnages. Je ne vais faire pas un long pavé sur leur personnalité, mais leur traitement force le respect. En y repensant, on dirait des "archétypes" (relatifs) dont on aurait construit tout autour afin qu'au final ils paraissent plus humains que le dernier personnage "psychologique" à la mode. Rien n'est dévoilé d'un coup au cours d'un long flashback tortueux, mais successivement par petites couches, un détail par-ci, un détail par là et nous comprenons mieux les personnages à mesure qu'ils se comprennent eux même, et ils deviennent "émouvants" (voir très, mais seuls vous pourrez le dire).
Les personnages secondaires ne sont pas laissés pour leur compte et le plus anecdotique d'entre eux se démarquera de par son graphisme et ils ont tous, à un moment où à un autre, leur petite backstory au détour d'une case.
Je n'en dirai pas plus sur Pandemonium et finalement je n'ai presque rien révélé, mis à part des éloges, ceci pour vous laisser la découverte de cette histoire qui n'a rien de "révolutionnaire" mais qui est finement racontée... Ce qu'il faut retenir de PWV, c'est qu'au final chaque page est pesée, chaque case, chaque mot chaque dialogue, mais ce n'est pas ce qui force mon respect au point d'"overhyper cette oeuvre (ce que j'ai fait, je n'en doute pas).
Ce qui force mon respect c'est que PWV soit un webcomic... Et surtout, qu'il ait réussi à se terminer, malgré les 430 pages et sans posséder aucun des défauts relatifs à ce type de publication (art qui évolue progressivement, pages qui ne servent à rien, fanservice, pandering, etc.)
Vous me direz que c'est parce que l'auteur est japonais, certes... Mais on a là un type, qui au lieu de publier chaque semaine une page afin d'avoir sa petite fanbase (comme 90% des Webcomics) s'acharnait durant des mois, pour créer 35 pages, les poster sur son petit site, et rebelotte. Pandemonium c'est pas une BD indé hype comme peut l'être Onani master kurosawa avec une grosse fanbase, ou même un nom que l'on site régulièrement pour parler de Webcomic.
C'est rien de tout ça.
C'est juste un type acharné, avec du talent, qui a de la passion et qui donne tout ce qu'il faut pour produire ce qu'il a dans les tripes sans faire aucun compromis... Même si ça veut dire être connu par 4 clampins du web dans des threads à 5 réponses, ou n'avoir aucune review digne de ce nom (à part celle-ci).
Pourtant il y avait un moyen très facile afin de rendre ce manga plus connu, voir plusieurs... Mais il n'a emprunté aucune de ces voies. Il voulait juste toucher les gens, ne serait-ce qu'une personne à "sa" façon. Et ça, ça vaut bien un overhype.
Tout véritable artiste dans l'âme devrait lire cette oeuvre.
Ca se lit très facilement et très vite (1h~) sur n'importe quel site herbergeur de manga en cherchant Pandemonium majutsushi no mura : http://kissmanga.com/Manga/Pandemonium-Majutsushi-no-Mura/Ch-005-Read-Online?id=216248
Attention toutefois, certains hébergeurs mettent un "chapitre zéro" qui est en fait le chapitre 12 (ou le spoil c'est pareil) donc prenez garde.