Faire le deuil après le suicide de son père
Ca commence de façon assez glauque et bizarre : un père explique à sa fille qu'elle ne le verra plus après son suicide... En fait, c'est la jeune fille qui essaie de comprendre le geste de son père. Par la suite, on en apprend un peu plus sur son père, on découvre de nouveaux éléments sur sa mort et la découverte du corps.
L'album se lit vite, et si on sent que cette œuvre a peut-être eu un rôle cathartique pour Aude Picault, je n'ai pour ma part pas été convaincu, notamment par une partie centrale sans texte à laquelle je n'ai pas été très sensible.
On remarquera tout de même le trait fin des dessins. Bien que certains d'entre eux ne paraissent pas forcément utiles, la plupart montrent bien la douleur qu'une fille peut imaginer dans la tête de son père quelques instants avant l'acte, et sa douleur à elle.
Seul le dernier quart de l'album est vraiment intéressant, évoquant de façon lucide et pertinente la question du deuil, qu'on peut voir dans un passage très juste, que je me permets de citer : "j'ai peur de ne plus souffrir car c'est ma souffrance qui me rappelle à toi. Si je ne souffre plus, tu disparais." Passage qui résume bien le dilemme du survivant : on ne peut oublier totalement le disparu et en même temps, on doit se protéger et alléger la souffrance. Cela fait un peu penser aux difficultés des survivants des camps de concentration, qui, entre autres, ne peuvent oublier le passé et donc cesser de souffrir car ce serait nier ce qui s'est produit. Or on ne peut nier complètement ou passer sous silence l'existence d'un être aussi important pour sa construction qu'un père.
Le deuil est donc une sorte double processus, évoqué par Aude Picault : l'impression de perdre ses souvenirs tout en allant mieux, ce qui n'est pas évident car il n'est pas facile d'accepter que le défunt ne devienne autre chose qu'un souvenir.