Papier froissé
7.4
Papier froissé

Roman graphique de Pep Domingo (Nadar) (2015)

Nadar froisse le papier et croise les destins (critique)

Après une phase d’introspection très conceptuelle, vertigineuse et scotchante du coma, Futuropolis revient à des idées plus classiques mais non moins percutantes avec Papier Froissé de l’auteur espagnol Nadar. Un auteur qui sort son premier roman graphique. Une réussite.

Après quoi courent tous ces personnages? Quels seront leurs points de chute et ceux de leurs rencontres? Ou peut-être se sont-ils d’ailleurs déjà rencontrés? Autant de questions qui taraudent le lecteur tant Nadar baigne son histoire de mystère. De tristesse aussi. Celle de Jorge, homme réservé et mélancolique qui vient d’arriver en ville et escompte bien trouver du travail. Pour payer la petite chambre prise pour plusieurs mois à la pension « Les Chevaux », notamment. Puis, il y a la rage également, de Javi, le « Maigrichon », ancien bon élève tombé dans l’argent facile. Celui qu’il vole à des plus petits que lui en leur rendant de menus service, souvent violents.

Pourtant le but de ces collectes peu catholiques est pacifique et noble pour Javi: se payer un de ces beaux pianos sur lesquels il rêve de jouer un jour. Rêve inaccessible?
Puis, il y a toutes les personnes qui gravitent autour de ces deux personnages en souffrance: une mère qui ne se doute de rien, des collègues à l’usine, un vieux fermier férue de chevaux, la gérante de la pension… Dans le passé ou le présent, aucun ne se doute que les deux personnages sont peut-être intimement liés. Et puis, pourquoi harcèle-t-on Jorge et vandalise-t-on ce qu’il a de plus cher, lui qui semple si inoffensif?

Pour un premier coup, voilà une belle réussite que celle proposée par le jeune auteur espagnol Nadar. Adoptant une narration par chapitres et quasi-chorale, passant d’un (groupe de) personnage(s) à un autre, Nadar se montre très aisé et bien dans son histoire. Et si celle-ci dure le temps de 390 pages (et qu’ils sont rares les éditeurs à autoriser le long cours à leurs auteurs!), on ne s’y ennuie que difficilement. À ce point qu’à l’instar d’un film complexe, on relirait bien Papier Froissé pour y trouver tous les indices et subtilités que Nadar y a semés. Puis, pour rester encore un peu en compagnie de ces héros aux failles immenses, froissés. À mille lieues de ceux lisses et glacés qui ont trop souvent la cote.

Et quand, à cette histoire aussi simple que surprenante et envoûtante, s’ajoutent une bichromie et un dessins justes et transcendants, on ne peut que souhaiter à Nadar une bienvenue cordiale dans la cour des grands! Car oui, Papier Froissé nous froisse, nous aussi, avec force, mais pour les bonnes choses. Celles qui nous font aimer la bande dessinée mature, le roman graphique dans ce qu’il a de plus singulier. Chapeau!
Alexis_Seny
8
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Créée

le 26 févr. 2015

Critique lue 493 fois

4 j'aime

Alexis Seny

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