En tant que jeune adulte ou adolescent, il est difficile de ne pas s'identifier à Patrick Dewaere. La justesse de son jeu ne peut que nous conforter dans l'idée qu'il y'a du Dewaere dans chacun de ses personnages. Il est mal-aimé dans ses films, mal-aimé des institutions du cinéma, mais surtout mal-aimé de lui-même...
Cette BD s'ouvre avec un dialogue entre Dewaere et Serge Gainsbourg, la veille du suicide de Patrick, et le symbole est grand. Il est adoubé par Gainsbarre qui lui promet le premier rôle de son prochain film. Adoubé par l'artiste français ultime du "mal dans sa peau" et en rupture avec l'Autre. Et comme Gainsbourg avant lui, Dewaere joue au con, il provoque, juste comme ça, parce qu'il en a envie, que ça le fait rire, et la BD le montre bien.
Au fil des pages et de ses rencontres avec les grands noms du cinéma français, parmi lesquels Lino Ventura, Bertrand Blier, Coluche et d'autres, Dewaere reste hanté par le spectre de son compagnon des Valseuses, Gérard Depardieu. Ils sont contraints d'être associés pour l'éternité à ce duo de copains que rien ni personne ne peut arrêter, à part peut-être eux mêmes. Car encore une fois, le grand mal de Dewaere est d'avoir un fascinant don pour l'autodestruction. Il est rongé par les fantômes douloureux de son passé, de son enfance bousculée par l'inceste et la non-connaissance de son père biologique, mort à 35 ans, une haine intérieur qu'il retranscrit quasiment sans filtre à l'écran. Patrick Dewaere n'apparaît pas dans un film comme étant un personnage joué par Patrick Dewaere, mais comme étant Patrick Dewaere. D'ailleurs, son destin ressemble tristement à un très bon scénario de film, qu'aucun autre acteur ne pourrait interpréter évidemment.
L'ultime dialogue qui clôt la BD est bouleversant, entre Patrick Dewaere, à jamais jeune, 35 ans, dans la force de l'âge, avec le Jean-Claude de son Pierrot, Gérard Depardieu, vieux, bedonnant, qui fait la liste des personnages illustres qu'il a interprété, mais surtout la liste de l'entourage de Dewaere qui semble maudit (Coluche, Marie Trintignant,...).
Hollywood a eu James Dean, l'adolescent incompris pour toujours, Patrick Dewaere offre au cinéma français le jeune adulte incompris pour toujours. Il brûlait d'un feu intérieur que rien ne pouvait éteindre, mais lui n'était qu'une faible flamme, dont "un courant d'air" a eu raison.