Certains le surnomment le « Tintin québécois ». La comparaison est plutôt inattendue et même un peu étrange, dans la mesure où ses albums n’ont vraiment rien à voir avec ceux d’Hergé. Mais il n’empêche: cette comparaison flatteuse prouve que Paul est bel et bien devenu le porte-drapeau de la BD québécoise. Avec plus de 250.000 exemplaires vendus, on peut même dire que le héros créé par Michel Rabagliati a grandement contribué à l’essor de la bande dessinée « made in Québec » depuis une dizaine d’années. Jusqu’il y a peu, la Belle Province n’était pas un pays de BD, mais les choses sont clairement en train de changer, comme l’expliquaient récemment Delaf et Dubuc, les auteurs des « Nombrils », une autre BD québécoise à succès. Après avoir démarré sa carrière dans l’illustration publicitaire, Michel Rabagliati se lance véritablement dans la bande dessinée à la fin des années 90 avec l’album « Paul à la campagne ». Ce roman graphique très autobiographique raconte l’histoire toute simple d’une relation père-fils. Dès ce premier album, Rabagliati révèle son talent pour raconter des histoires à la fois humaines et sensibles, chargées d’émotion et d’humour. Cerise sur le gâteau: les nombreuses expressions québécoises utilisées par les personnages donnent une saveur incomparable à ces histoires, comme dans « Magasin Général » de Tripp et Loisel. Depuis lors, sept autres albums de Paul sont parus, dans lesquels on découvre le personnage à différents âges et donc différents stades de la vie. L’album « Paul à Québec » par exemple, paru en 2009, tourne autour de la maladie du beau-père de Paul. Ayant remporté le Prix du Public au Festival d’Angoulême 2010 (une première pour un auteur québécois), cette histoire a été adaptée au cinéma en 2015. Le film, qui a rencontré un grand succès au Québec, sera projeté en avant-première européenne au prochain Festival d’Angoulême.
Paru il y a quelques semaines, « Paul dans le Nord » est le huitième album de la série. On y retrouve Paul en 1976, l’année des Jeux Olympiques à Montréal. Ceux-ci sont d’ailleurs omniprésents dans cette histoire: les personnages déplorent notamment le retard pris par les travaux du stade et s’extasient devant les exploits de la gymnaste Nadia Comaneci. Cette année-là, Paul a 16 ans et c’est un adolescent boutonneux. Il passe son temps à s’engueuler avec son père et son unique objectif est de s’acheter la moto de ses rêves: la Kawasaki KE100. Mal dans sa peau lorsqu’il débarque dans sa nouvelle école (sa « polyvalente », comme ils disent au Québec), Paul commence à aller beaucoup mieux à partir du moment où il devient ami avec Ti-Marc, un grand dadais plutôt cool. Grâce à lui, il découvre la musique (elle aussi omniprésente dans cet album), mais également l’aventure, puisque les deux adolescents décident de faire de l’auto-stop pour aller rejoindre une fille dans les montagnes… sans adresse précise et en pleine tempête de neige! « Paul dans le Nord » est avant tout l’histoire des « premières fois »: la première soirée arrosée, les premiers émois sexuels, la première « blonde », la première déception amoureuse aussi… Des expériences parfois plaisantes et parfois douloureuses qui vont marquer le passage de Paul à l’âge adulte. Comme à son habitude, Michel Rabagliati livre un récit simple et touchant, empreint d’une certaine nostalgie. Son dessin tout en efficacité et en limpidité fait mouche, à l’image de la fameuse « ligne claire » d’Hergé. Serait-ce de là que vient la comparaison entre Paul et Tintin? En tout cas, câlisse, quelle bonne BD!
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