Ce premier tome est un sacré exploit d'équilibriste : une panoplie de personnages charismatiques, un mélange d'intrigue policière et d'action brute, une confrontation entre affirmation et adaptation d'identité communautaire, une densité de narration et une qualité de dialogues assez renversantes, une fiction sur fond de portrait historico-sociologique, un récit qui promet beaucoup porté avec maestria par des planches magnifiques.
Scalped regorge de talent et ne s'accorde aucune concession sur ses ambitions.
L'intelligence de ce premier tome réside aussi dans le fait que cette démonstration de force ne se lit qu'en filigrane. Pas de grandes scènes tape-à-l'œil, pas d'héroïsation à outrance pour appâter le chaland en quête de sensations immédiates, pas de faux suspense : les auteurs parviennent à produire un récit dense, documenté et suffisamment réaliste pour ne jamais trahir sa volonté de critique historique et sociale. Derrière le charisme de Dash Bad Horse, c'est surtout les déchirements internes des tribus indiennes forcées à subir les mutations que l'homme blanc et son capitalisme leur imposent qui sont le vrai propos de Scalped.
Tout sonne tellement juste et est tellement bien amené qu'on pourrait croire l'exercice facile et finalement pas si exceptionnel que ça mais rares sont les comics qui dégagent autant de personnalité sans sombrer dans le caricatural, rares sont ces comics qui manient les flashbacks et cliffhangers avec autant de justesse et de fluidité.
Scalped a tout pour devenir une très grande série. Le premier tome la propulse en tout cas directement parmi un cercle restreint de comics de haute maîtrise et de très grand intérêt.
Un régal !
A noter que l'anglais argotisé utilisé dans Scalped est largement compréhensible par le lecteur français moyen occasionnel qui lit ses comics en anglais. Ne pas hésiter à acheter la version US donc.