La BD commence par une violente descente de police dans un bordel, qualifiée de mesure de prévention contre le VRH, qui n'est ici qu'une transposition d'un VIH qui aurait rendu malade la société dans sa totalité. Les milices d'un parti d'extrême droite, le Parti populaire de sauvegarde, ont en effet déjà quasiment tous les droits et ont pour objectif principal de protéger les membres de la société non encore infectés par le virus. Ce Parti, qui n'est pas encore arrivé au pouvoir mais qui semble soutenu par une majorité des habitants gagnés par la peur de la maladie, souhaite arrêter d'essayer de guérir les malades, considérés comme des criminels au sang impur et même arrêter les recherches scientifiques, ce qui lui permet de maintenir voire d'accroître son pouvoir... Toutes proportions gardées, cela me rappelle des éléments récents de la politique de notre bon gouvernement qui, par exemple, a durci les conditions d'accès à l'aide médicale d'Etat pour les sans-papiers.

On est ainsi dans une société où toutes les règles sont liées à la tentative d'éviter la propagation du virus : instauration d'une taxe pour les célibataires, mise en place d'une « carte de couple » pour justifier de son autorisation à circuler à deux dans la rue... Toute relation extraconjugale est interdite. On est donc dans une société où ont été fermées les boîtes de nuit, et où sont, forcément, censurées des chansons comme Lemon incest ou Love on the beat de Gainsbourg.

Une société, donc, où l'on rafle les suspects et les malades, qui sont envoyés dans des « centres de soins » qui ressemblent plus à des prisons qu'à des hôpitaux, et dont chacun sait qu'ils ne ressortiront pas. Le terme de rafle est utilisé dans la bd, et les auteurs ont manifestement choisi de faire un parallèle avec la seconde guerre mondiale et les camps de concentration, par exemple avec une étiquette VRH+ collée sur les « propagateurs », un peu comme une étoile jaune.

Face à ça, la bd ne nous présente pas une réelle résistance comme on pourrait l'imaginer, mais des individus qui essaient de rester libres ou de s'en sortir. Ce qui est d'ailleurs bien fait, c'est qu'au départ, le lecteur ne détermine pas facilement qui est le gentil des deux chercheurs concurrents. Un des deux envisage de créer un antivirus qui se propagerait de la même façon que le VRH, principalement par relations sexuelles, mais parviendrait ensuite à détruire le VRH. Est-il un apprenti sorcier qui risque de lancer un virus incontrôlable ? Ou un sauveur qui va épargner des vies et sauver la société d'une maladie qui la gangrène ? Vous découvrirez la réponse, forcément un peu plus complexe, le lisant cette bd qui a le mérite, sans toutefois les approfondir, de poser ces questions éthiques.

Une bd bien datée de la fin des années 80, mais dont les échos nous arrivent toujours aujourd'hui, car les thèmes évoqués sont toujours d'actualité, que ce soit le VIH qui est toujours présent, les virus de type H1N1 qui provoquent des phénomènes collectifs peu contrôlables (même si heureusement on n'en est pas arrivé à des changements politiques comme dans la bd), la montée de l'extrême droite en cas de crise et le risque d'une prise du pouvoir démocratique, ou encore les tendances excluantes d'une grande partie de la population qui peut soutenir des propositions radicales d'élimination des éléments les plus faibles ou les plus dérangeants.

A noter que cette bd, qui au départ était un one shot, a été prolongée depuis la fin des années 1990 par 3 autres tomes (non encore lus).

Bref, j'ai bien aimé les sujets évoqués par cette bd, malgré des dessins que je goûte assez peu et malgré le fait que, bien que l'album comprenne soixante planches, les thèmes évoqués méritent assurément plus d'approfondissements, que l'on pourrait davantage trouver dans un roman.

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le 18 févr. 2012

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socrate

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