La réalité au-delà de la télé...
1994. La télé-réalité en est à ses débuts aux Etats-Unis. C'est à la troisième saison de Real World – San Francisco que participe Judd Winick, alors jeune dessinateur en devenir mais souvent en galère. Durant le programme, il se lie d'amitié avec un autre candidat, Pedro, homosexuel et séropositif. Au début amusant, le récit montre en parallèle, par le regard ignorant de son héros, deux idées reçues. La première est que ce type de programme est fait de clichés, que rien n'est vrai, tout est joué. La seconde est que les personnes atteintes du sida sont forcément homosexuelles, dangereuses et infréquentables. Deux préjugés qu'avait l'auteur et auxquels il veut tordre le cou. Cette envie vivace de dire les choses est palpable à chaque page. Et soudain derrière la futilité, le thème de cette BD éclate avec simplicité : parler du sida.
La force du récit est que derrière un dessin au premier abord très « cartoon », très enfantin, se cache un bouleversant témoignage. Pourquoi ? Parce qu'il est vrai, fort, intime avec des sentiments non décorés de guimauve et de fioritures, et narré avec passion. Oscillant entre la joie de voir une si belle amitié et l'oppression de sentir la mort planer, ce pavé se dévore avec le cœur et les tripes de façon saisissante. De plus la didactique autour du sida est loin d'être rébarbative.
Un bel ouvrage qui parle de choses dures mais de façon simple, et démontre que derrière la façade futile et aseptisée de la télé-réalité peut se cacher de vrais sentiments. L'ironie du sort fait que c'est grâce à un show télé feignant la vraie vie, que Winick a vécu sa plus belle expérience de vie.