J’avais été séduit par « La saga de Grimr ». Cet ouvrage, à la personnalité affirmée, avait installé Jérémie Moreau comme un auteur complet, à suivre. « Penss et les plis du monde » s’inscrit dans cette lignée avec un ouvrage imposant, taiseux où le personnage principal est un paria. Doté d’une force graphique évident, le livre parviendra-t-il à maintenir notre intérêt sur 200 pages ? Le tout est édité chez Delcourt.
Bienvenu dans le monde préhistorique. Penss, membre d’une tribu, est considéré comme inutile. On le retrouve souvent dans la lune et il est incapable de chasser. Dans un monde de chasseurs cueilleurs où la survie est le seul mot d’ordre, le fait qu’une personne s’arrête pour observer et tenter d’analyser la nature est inconcevable. Mais quand Penss va perdre de vue sa tribu et se retrouver seul, il va devoir trouver une solution, lui qui ne sait pas chasser. Il va alors découvrir l’agriculture.
Sujet passionnant choisi par Jérémie Moreau. Pour ma part, ce genre de découverte par l’humanité m’a toujours fasciné. On découvre une personne qui veut comprendre la nature, le monde, pour le dominer ensuite. Orgueil humain ? Au printemps, Penss observe comment la nature se déploie et essaie de comprendre dans ses plis les secrets. Le bouquin ne se veut didactique pour autant, l’histoire étant pleinement inscrite dans une dramaturgie intense. Penss arrive avec un lourd vécu et va vivre de nombreuses épreuves encore…
Les phases d’observation de Penss, où il réfléchit au fonctionnement de la nature, sont hélas assez lourdes. Jérémie Moreau peine à les rendre passionnantes. Car nous savons tous qu’une graine donne un arbre. Les parties où il est seul manquent justement de dramaturgie et on avance les pages sans trop savoir où l’on va. C’est lorsque les hommes refont leur apparition que l’ouvrage reprend de l’ampleur.
Graphiquement, le travail de Jérémie Moreau reste très impressionnant. De nombreuses pages muettes donnent du corps à l’ambiance. Son graphisme sait aller plus loin qu’une simple description, comme lors des scènes dans la grotte par exemple. C’est un auteur avec un style assez unique avec beaucoup de talent. Ce n’est plus une surprise mais « Penss » vient asseoir d’autant plus ce statut.
Malgré des qualités évidentes, j’ai eu du mal à me passionner pour cet ouvrage. Peut-être que la folie des paginations dans la bande-dessinée commence à se faire voir. Le talent graphique, c’est bien, mais parfois cela se fait au détriment de la narration et du rythme. Un bon roman graphique, assez unique, mais à la lecture parfois laborieuse. Dommage.