j'aurais mis une note inférieure à 6 si je ne jugeais que l'histoire, mais la BD doit être jugée pour ce qu'elle est : un récit narré par son découpage d'art séquentiel.
le découpage est simple et fluide. le style artistique des personnages et du décor, et la palette de couleurs utilisée évoquent doucement l'art de la céramique de la Grèce antique. pour cela, mes compliments à Allison Shaw.
cependant, le récit lui me pose problème, mais je savais que ça allait être le cas quand j'ai lu le synopsis.
premièrement, je n'apprécie pas les re-visitations des mythes gréco-romains qui se permettent d'effacer la tragédie et la violence fondamentales au mythe qu'ils reprennent, mais en particulier quand il s'agit de l'hymne homérique à Déméter. le fait de (changer et) prioriser la relation romantique et sexuelle entre Hadès et Perséphone au détriment du personnage de Déméter montre une profonde mécompréhension du mythe, qui la concerne principalement, elle et sa rage, sa peine, son chagrin intense face au viol et au rapt de sa fille. faire d'elle une mère surprotectrice, toxique et abusive est un manque de respect envers la culture/religion grecque.
il est évident que l'auteure aime beaucoup Perséphone (et Hadès) et qu'en changeant son rôle et son implication dans les événements du mythe, elle cherchait à lui redonner sa dignité, son autonomie... mais, et en ignorant l'implication offensive qu'une victime de viol perd son autonomie ou sa dignité après cette expérience douloureuse, sa façon de le faire n'était pas pertinente. la violence qu'a subi Perséphone ne peut pas être effacée ou ignorée quel que soit le contexte dans lequel le mythe est revisité ; elle est centrale. elle est essentielle. et même si je peux comprendre qu'on ait envie de supprimer les violences spécifiques aux femmes que subit un personnage bien-aimé (surtout dans une culture comme la notre où elles sont souvent tournées en spectacle (ce qui n'est pas le cas pour Perséphone)), je pense qu'il est aussi important de grandir, de commencer à voir la mythologie grecque telle qu'elle est avec toutes ses violences et ses complexités, de réellement s'intéresser à des personnages féminins sans avoir besoin d'une perspective romantique, et de lire autre chose que Percy Jackson.
écrire et dessiner une BD en se basant sur un mythe qui adresse la souffrance de deux femmes causée par un homme pour en faire une histoire aseptisée qui a pour but de rendre sympathique un violeur et habiliter sa victime pour justifier leur histoire d'amour et démoniser la personne qui s'y oppose n'est pas aussi féministe que l'auteure le croit. c'est même sexiste, en plus d'être auto-indulgent, et démontre une certaine antipathie envers Déméter.
pour finir sur une note positive, je dirais que la manière dont l'auteure a utilisé le lore de la mythologie pour nous donner une sorte de "real story, behind the scenes" était plutôt intelligemment tourné. ça m'a même fait sourire à plusieurs reprises.