Autant l'avouer tout de suite, le monde n'avait absolument pas besoin que Lewis Trondheim redémarre un second cycle des assez tièdes aventures de Ralph Azham, et moi non plus. Pourquoi ce brave Lewis, qui a tant compté pour nous il y a déjà tant d'années, consacre-t-il son énergie à cette version délavée du "Donjon", qui tourne en rond depuis le début, et restera dans les mémoires comme l'œuvre la moins intéressante d'une biblio fournie ? C'est un mystère que "Personne n'attrape une rivière" n'aidera pas à résoudre, puisque voici un tome complètement dans la lignée des précédents, que l'on pourra donc, suivant son humeur, trouver ennuyeux ou amusant, la limite entre les deux n'étant pas claire. Disons quand même qu'après un démarrage terriblement fastidieux, sans une seule idée vraiment intéressante, Trondheim se ressaisit quand il s'agit pour Ralph de "faire la bagarre" à coup de super pouvoirs, et conclut son huitième tome sur deux "concepts" qui ont le mérite de faire écho aux soubresauts sociétaux actuels : d'abord, la croyance en la laïcité peut-elle être, entre les mains de fanatiques (à l'oreille gauche coupée…!), un concept aussi meurtrier que la foi ; et ensuite, ce qui est, on l'admet, plus banal, le fait de pouvoir faire la justice soi-même ne dérive-t-il pas systématiquement dans l'application d'une loi du talion des plus barbares ? On espère que le second tome de ce second cycle permettra à Trondheim d’approfondir ces sujets, et de conférer à "Ralph Azham" un peu plus de matière. [Critique écrite en 2016]