A Londres, dans les jardins de Kensington, il se passe de drôles de choses une fois la nuit tombée et les portes refermées. Dès que les humains désertent les lieux, c’est une tout autre faune qui apparaît. Des oiseaux qui palabrent, des fées luminescentes, leur reine et sa cour, des arbres gardiens des secrets, des fantômes silencieux et un peu inquiétants… Et puis il y a ce jeune sauvageon capable de voler, un certain…Peter. C’est ce que va découvrir malgré elle cette fillette, Maimie, qui s’est retrouvée enfermée dans le parc et va vivre ainsi une aventure magique….

Tout le monde ne connaît pas les origines de Peter Pan, personnage faisant désormais partie intégrante de la pop-culture, que ce soit au cinéma ou dans la bande dessinée. Comme il est indiqué en préface, son créateur, James Matthew Barrie, avait conçu, une décennie avant son fameux « Peter et Wendy », un autre roman intitulé « Le Petit Oiseau blanc », où pour la première fois apparaissait brièvement son héros fétiche, pour être repris dans une œuvre totalement dédiée à ce dernier, « Peter Pan dans les jardins de Kensington », sorte de prequel très vaporeux à « Peter et Wendy ». Jose Luis Munuera s’en est inspiré pour en livrer une version assez libre mais plus scénarisée, le but étant d’être en harmonie avec l’œuvre de Barrie.

Alors évidemment, on ne retrouve pas les rebondissements présents dans l’œuvre maîtresse, mais il faut avouer que Jose Luis Munuera s’en sort plutôt bien. Et dans la mesure où le théâtre de l’action se situe dans l’enceinte du parc de Kensington à Londres, on pourrait presque parler de « huis-clos en extérieur ». Aux côtés de Peter Pan et de Maimie Mannering, la fillette égarée, on voit défiler toute une galerie de personnages et de créatures fantastiques, des fées, des « ombres » et aussi des oiseaux et des arbres doués de paroles. Le pays imaginaire de Neverland y est brièvement évoqué, avec même une apparition fugace du sinistre Capitaine Crochet.

Le fil conducteur (ou fil narratif) du récit réside dans le défi adressé à Maimie par la « reine » du parc : retrouver dans les vastes jardins un dé à coudre qui lui permettra d’exaucer ses vœux… Autour de ce fil viendront se tisser moult discussions philosophico-poétiques entre les protagonistes, avec ce noyau thématique cher à Barrie et présent dans « Peter et Wendy », la perte de l’innocence et le pouvoir de l’imagination, qui nécessite d’avoir conservé la part d’enfance en soi.

L’univers de l’écrivain britannique est magistralement évoqué grâce au très beau dessin de Munuera, certes classique dans sa tournure « franco-belge », mais d’une élégance et d’une grâce incomparable. Celui-ci maîtrise à la perfection les contrastes entre les tons bleutés nocturnes et les halos féériques de lumière, nous immergeant magiquement dans les greniers mémoriels de l’enfance. Le charme dégagé par le graphisme permet par ailleurs de transcender la tragédie en filigrane du récit, allusive au début mais qui ne sera clairement révélée que vers la fin, validant cette croyance de l’écrivain selon laquelle l’imaginaire pourrait parfois s’immiscer dans la réalité.

Si « Peter Pan de Kensington » rappelle immanquablement le « Peter Pan » de Loisel, il saura sans nul doute convaincre ceux qui ont apprécié ce dernier, superbe adaptation du roman emblématique de Barrie et méritera clairement sa place dans votre bibliothèque aux côtés de la série.


LaurentProudhon
7
Écrit par

Créée

le 16 oct. 2024

Critique lue 20 fois

Critique lue 20 fois

D'autres avis sur Peter Pan de Kensington

Peter Pan de Kensington
LaurentProudhon
7

Huis-clos enchanté

A Londres, dans les jardins de Kensington, il se passe de drôles de choses une fois la nuit tombée et les portes refermées. Dès que les humains désertent les lieux, c’est une tout autre faune qui...

le 16 oct. 2024

Du même critique

Les Pizzlys
LaurentProudhon
9

Dans la peau de l'ours

Après avoir obtenu la récompense suprême à Angoulême pour son exaltante « Saga de Grimr », Jérémie Moreau avait-il encore quelque chose à prouver ? A 35 ans, celui-ci fait désormais partie des...

le 23 sept. 2022

15 j'aime

Le Dieu vagabond
LaurentProudhon
9

Le vin divin du devin

Avec cette nouvelle publication des éditions Sarbacane, préparez-vous à en prendre plein les mirettes ! De très belle facture avec dos toilé et vernis sélectif (ce qui n’est pas surprenant quand on...

le 26 déc. 2019

8 j'aime

La Petite Lumière
LaurentProudhon
8

Le trépas est un trip

Dans une région isolée qui pourrait être la Corse ou l’Italie du sud, un vieil homme a choisi de s’installer dans un hameau désert pour y vivre ses derniers jours. Chaque soir sur la colline d’en...

le 18 mai 2023

7 j'aime