Je n'ai pas lu le roman de Gaël faye, il me sera donc difficile de juger de cette bande dessinée en termes d'adaptation.
On suit la vie d'un adolescent rêveur, fils d'un père Européen (qui peut être très con) et d'une mère Tutsi. Il grandit à Bujumbura, au Burundi On entend des rumeurs de tensions de l'autre côté de la frontière, au Rwanda : le père minimise, la mère a des accès de fureur et d'angoisse. A l'école, des tensions éclatent. Certains camarades de Gaël parlent de rejoindre le FPR, organe de la lutte armée Tutsi.
Il y a une ambiance de vie quotidienne dans un quartier rempli de merveilles, avec le domestique, le vautour du coin, la carcasse de voiture abandonnée où on aime se réfugier, la voisine à qui on pique des mangues, etc... Un ami raciste du père, Michel, qui traite les Noirs comme des enfants.
Et progressivement, la grande histoire rattrape la petite. ça commence par des gardes hutus qui cassent pour le plaisir la vitre de la voiture au poste de frontière. ça culmine avec la mère, qui décide d'aller retrouver sa famille au Rwanda, et trouve tous les corps massacrés, et revient changée à jamais, murée dans l'hébétude.
Tout cela est digeste à assimiler. Il y a juste la scène où un gang force Gaby, le héros, à mettre le feu à une voiture dans laquelle se trouve un Hutu horriblement torturé que je trouve inutilement violente.
C'est aussi l'histoire d'une vocation littéraire, pendant tout ce temps Gaby se réfugiant dans les livres de la voisine, avant de partir vers la France. Un épilogue montre son retour au pays, avec la terrible scène de retrouvailles avec la mère, qui ne le reconnaît pas.
Le graphisme est d'un réalisme doux et expressif, avec des visages très parlants dans leurs expressions. La palette de couleur est merveilleuse et fait de la lecture un enchantement visuel.
Une bonne bande dessinée, salutaire face à cet impensé, le génocide au Rwanda, tragédie d'un million de morts encore suffisamment commémorée, rappelée et regardée en face (coucou Juppé, coucou Védrine).