Un Wong Kar-Wai qui aurait fait un bébé avec une marge de cahier de brouillon d'école primaire
J'étais étonnée quand je suis tombée sur ce roman graphique (si on peut appeler ça comme ça... "explosion de n'importe-quoi encré avec plein d'amour" serait plus juste). Je connaissais et avais adoré Manabé Shima et Tokyo Sampo, j'ai donc plongé les yeux fermés dans Shioguni sans même vouloir savoir ce qu'il pouvait bien y avoir dedans. Plongeon délectable. Le dessin qui était déjà prenant a pris en maturité, encore plus poétique, léger sans être naïf, drôle. Ca a le goût de la vraie promenade nocturne dans une vraie ville japonaise, avec ses rues sombres, ses izakaya de trente centimètres carrés et des fils électriques dans les cieux. Un peu comme les quartiers glauques et pleins d'âmes du manga le Vagabond de Tokyo (sans le côté Bukowskien de l'extrême), cet aspect brut du Japon, à l'opposé de l'aseptisation qu'on lui inflige parfois. La couleur, le trait organique, la technique graphique en elle-même est enivrante. On se croirait dans un Wong Kar-Wai qui aurait fait des bébés avec une marge de cahier de brouillon d'école primaire. C'est fini trop vite, on comprend rien mais ça reste délicieux. Alors on relie et c'est toujours aussi parfumé et poétique, avec juste ce qu'il faut d'absurde, d'incompréhensible. Presque quelque chose d'inachevé cependant, un goût de trop peu qui reste néanmoins titillant, donc touchant. Juste, à la fin on crève d'envie de manger des okonomiyaki avec une bière asahi.
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