Pierre Desproges se fout du monde : cela fait bientôt trente ans qu'il ne nous a rien proposé de neuf. Quand on est un inconditionnel de l'homme et de l'œuvre, que l'on a vu et revu ses spectacles, lu et relu ses Chroniques de la Haine Ordinaire, écouté et réécouté ses réquisitoires au Tribunal des Flagrants Délires, comment assouvir sa soif de nouveauté ? On peut toujours reprendre ce qui existe déjà, mais en le présentant sous une forme inédite... Et si l'on adaptait certains des meilleurs textes de Desproges en bande-dessinée ? Une bonne idée, vraiment ?
Au menu de cet album, une vingtaine de grands noms de la BD humoristique tels que Gotlib, Edika, Charb, Cabu... Malheureusement, si le programme est alléchant, il faut se rendre à l'évidence : Desproges et la BD, c'est un peu le mariage de la carpe et du lapin. Le style délicieusement verbeux de Chroniques comme celle du "Règne animal" ne colle tout simplement pas au format. Une Minute Nécessaire de Monsieur Cyclopède ne gagne rien à être déclinée en un sketch de sept ou neuf cases. Agrémenter d'une illustration des citations emblématiques ou des brèves absurdes ne les rend pas encore plus drôles ou encore plus pertinentes. Même des pointures du genre peinent à sublimer des textes formidables comme "La Fête des enfants", "Dieu n'est pas bien", ou "Robinson Crusoé"...
Au final cet album ressemble un peu trop à une tentative d'exploiter le filon, de "vendre du Desproges" quand tout a déjà été vendu. Si vous connaissez mal Desproges, autant le découvrir à partir des textes d'origine, sur scène ou dans ses interventions radiophoniques ; et si comme moi vous le connaissez sur le bout des doigts, cette BD n'apportera rien de plus et est franchement dispensable.