J'avais lu quelques albums de Pin-up il y a une vingtaine d'années et j'avais envie de m'y replonger. Je gardais le souvenir de quelque chose d'un peu inabouti mais avec du charme.
A la relecture, je garde à peu près la même impression.
Le premier tome pose les prémisses. Pour rappel, la série suit en parallèle une jeune femme, Dottie, et son homme, mobilisé comme G.I. dans le Pacifique après Pearl Harbor. Lui subit les affres de la guerre ; elle est une proie facile dans l'Amérique sexiste des années 1940. Ouvreuse dans un cinéma, elle se fait renvoyer puis devient serveuse dans un bar exotique, puis mannequin/muse pour Milton, un auteur de comic strips patriotiques, qui est amoureux d'elle. Elle se brouille avec son amie Tallulah, bien plus dessalée, qui espérait devenir le modèle pour poison Ivy, l'héroïne qui sert à motiver les GI sur le front.
Le principal problème de cette série, ce sont les dialogues, qui sonnent très artificiels. Je peux comprendre que l'on fasse parler des personnages des années quarante avec des propos racistes nipponophobes de l'époque comme "face de citrons", mais les personnages ne semblent pas sortir les phrases parce qu'ils les vivent, mais parce que le scénario en a décidé ainsi.
Et c'est dommage, car Berthet est un illustrateur que j'aime bien. Je partage son fétichisme pour le glamour californien des années 1940-1950, qu'il croque avec amour. Mais c'est davantage un illustrateur qu'un constructeur de récit : il aime bien dessiner une image qui à elle seule semble contenir toute une histoire, sauf que la bande dessinée, ce sont des images reliées entre elles. Et ici, certaines cases sont là uniquement pour servir de liant entre celles qui comptent vraiment. Et comme le texte n'aide pas...
Encore une fois c'est dommage car il y a une cohérence des trois premiers tomes, qui sont assez construits. Mais on retient surtout l'ambiance assez malsaine de fétichisme/prédation qui entoure des femmes comme Dottie. Ce serait bien si l'héroïne avait une certaine épaisseur psychologique, mais ce n'est pas le cas.
A fonds, on a ici une bande dessinée qui prétend réfléchir sur le fétichisme dont les femmes sont l'objet, mais qui n'arrive pas à comprendre leur psyché pour en faire des personnages intéressants.
A l'aune des études actuelles sur le male gaze, Pin-up est sans doute une série qui a mal vieilli, et qui pêche, paradoxalement, par une forme de candeur.