Lorsque l'humain est au centre d'un manga de sport

Tayou Matsumoto a dessiné Ping Pong suite à l'accueil mitigé de Amer Beton (l'avis général sur Amer Beton est aujourd'hui tout autre). S'il est étonnant de le voir retourner vers un manga de sport et en particulier vers un manga aussi accessible et grand public, on retrouve rapidement tout le génie de l'auteur ainsi que sa poésie.
Nous suivons deux amis d'enfance. L'un semblant vivre pour le ping pong quand l'autre ne souris pas. Peko joue, rit, brille comme le soleil quand Smile ne montre rien de ce qu'il ressent. Il est d’ailleurs représenté avec le symbole de la lune. Malgré leur différences, les deux lycéens sont très attachés l'un à l'autre depuis l'enfance, Peko protégeant Smile des moqueries des autres enfants.
Matsumoto introduit tout un panel de personnages avant le tournoi inter-lycée. Les principaux sont : Wenga Kon, un jeune chinois cherchant à percer au Japon pour attirer le regard de l'équipe nationale chinoise, Kazama (Dragon), un joueur invaincue depuis longtemps et précédant gagnant du tournois et Sakuma (Démon), amis d'enfance de Peko et Smile officiant dans l'équipe de Kazama dans le seul espoir de pouvoir rivaliser avec ses anciens amis.
L'intrigue et le déroulement de Ping Pong font penser à un manga pour adolescent, pourtant, Matsumoto fait s'envoler son récit vers des cieux d'une grande beauté.
Le Ping Pong est montré d'une superbe manière. Le trait de Matsumoto oscille entre réalisme pour les décors, mouvements et expressions et poésie dans des envolés lyriques superbes. Mais le dessin s'illustre aussi lors des matchs de Ping Pong, intense, beaux, les perspectives y sont déformés, la réalité transformé. Si ce manga de sport est unique, ce n'est pas uniquement dans la représentation des matchs mais dans la profondeur de son scénario.
Smile est présenté comme un génie froid et calculateur n'arrivant à vivre et à s'ouvrir qu'en la présence de Peko. Peko est fort, il fait rêver depuis l'enfance Smile et Démon qui le voient comme un héros. Malgré son coté oisif, Peko a peur, peur de ne pas arriver à vivre par le Ping Pong et peur de décevoir ses amis. Nous allons lentement suivre son envolé et la libération de son amour pour la vie.
Matsumoto parle comme personne de l'enfance et des rêves qu'elle accompagne. On retrouve la solitude des génies comme dans Zéro où la peur d'assouvir son rêve comme dans Le rêve de mon père.
Ping Pong est une œuvre d'art, entière et incroyable. Malgré son aspect grand public, son auteur y pousse l'art du manga dans ses retranchements pour livrer une œuvre sans commune mesure en BD.
Une lecture d'un lyrisme absolue, un hommage touchant au sport qui pousse les rêves et la vie.
Ping Pong est un des grands chefs d’œuvre de la bande dessinée.