Dans Poison City, pas de virus, pas de monde post-apo, pas de violence, pas de question de vie ou de mort. Au titre trompeur, ce manga en deux tomes nous conte simplement l'histoire d'un mangaka (c'est vraiment la mode on dirait) cherchant à publier son manga assez gore, dans une société dystopique japonaise en 2019, qui a alors instauré une censure forte et arbitraire.
Au croisement entre récit biographique de son propre auteur (qui a appris que ses manga Manhole ont été censurés) et essai critique sur les autorités de l'industrie culturelle, Poison City est une sorte d'avertissement que nous livre Tetsuya Tsutsui, qui nous rappelle d'ailleurs au milieu du manga que les comics avaient subi un sort similaire dans les années 50, ne faisant ressortir plus que les super-héros patriotiques, et laissant de côté les oeuvres un peu osées. Les alternances entre histoire réelle et futur proche imaginaire sont plutôt bien senties, par ailleurs.
Cependant, on regrettera un récit pas toujours palpitant, et il fallait bien que l'histoire prenne place dans un futur légèrement négatif pour que la tension se fasse ressentir. Tsutsui nous livre une déclaration d'amour au manga, ça se sent et c'est évident. Mais on aurait aimé un propos un peu plus subtil (je pense aux dernières pages du tome 2, à la limite du prétentieux), on a parfois l'impression, surtout en lisant les paratextes, que l'auteur veut régler ses comptes avec les autorités ayant censuré son bébé Manhole.
Malgré tout, Poison City est un manga intéressant sans être indispensable, qui nous rappelle que la censure excessive est loin d'être archaïque, et que l'industrie culturelle, sous tous ses aspects, peut basculer d'un claquement de doigt, même aujourd'hui. Tsutsui nous met en garde, nous rappelle que tous les acquis du 21ème siècle se doivent d'être maintenus, et qu'un acquis ne tient pas en place éternellement en restant les mains dans les poches.