Working Dead
Ce roman graphique confirme l'aptitude de Pierre Maurel à poser d'emblée une intrigue d' "anticipation" ou, au moins, d'utopie en rupture avec le réel et la vraisemblance. Dans "Blackbird", on...
Par
le 22 févr. 2014
J'ai choppé la BD en médiathèque, par intérêt pour le dessin, qui me rappelait du comic underground que j'avais apprécié, et un pitch qui pouvait être accrocheur. Cependant, tout au long de la lecture, plusieurs choses m'ont chiffonné.
Déjà, le principe de base, très rapidement (pour ne pas dire, dès les premières planches), se révèle, à mon sens, bancal. Remplacer les travailleurs par des "zombies", des morts réanimés, chargés d'accomplir les tâches ingrates. En fait, au fond, pourquoi pas. Sauf que, pour que ce soit crédible, il faudrait approfondir et "bétonner" le concept.
Nous avons là des gens qui meurent (y compris de mort violente), qui semblent assez facilement réanimés par l'injection d'un produit qui semble les rendre plutôt lents à la réflexion, les fait baver, et garde leur apparence "cadavérique". Cependant, ils sont toujours capables de réflexion, de conscience, et gardent leur personnalité ante-mortem (souvenirs, caractère, etc), ainsi que leurs besoins physiologiques (manger, et pas du cerveau humain).
Ils sont victimes de discriminations qui apparaissent dans toute leur ampleur à mesure que le livre avance. Il est évident que le lien est fait entre les "post-mortem" et les immigrants, avec toute la question du rejet provoqué par leur impact sur le monde du travail (qui est l'origine même de leur création), le cynisme des politiques responsables de la situation, et la détresse ressentie par ces gens qui n'ont rien demandé et se retrouvent à accomplir les tâches ingrates. Et c'est là que le bât blesse, parce que justement, à mon sens, la situation n'est pas du tout, mais alors DU TOUT, comparable.
Le rejet dont les zombies sont victimes est quand même un peu surprenant, puisque malgré leur impact sur le monde du travail, ils deviennent la victime de véritables pogroms qui dégénèrent, et toute la société ou presque se soulève pour les rejeter, alors que justement, il est précisé qu'ils sont à la charge de membres de leurs famille, ou d'amis, qui s'en occupent et font office pour eux de "tuteurs légaux", et qui ressentent pour eux de l'empathie (logique).
L'un des personnages principaux, d'abord hostile aux zombies, finit par changer d'avis lorsque son propre copain finit "zombifié" et se rend compte de la difficulté de la situation dans laquelle se trouvent ces derniers.
Et c'est là que cela pose un problème de cohérence: tous les morts ont des amis, de la famille, sont des membres de la communauté, et de plus ils gardent leur personnalité. Toutes les implications philosophiques ou éthiques de la situation, qui auraient permis de développer une oeuvre puissante et profonde, allant au delà de la simple comparaison avec l'immigration (intéressante, mais en fait un peu bateau et inadaptée pour le côté SF, en ce qu'elle gâche tout le potentiel du zombi: quid de la question de la résurrection, qui pourrait être utilisée par des riches excentriques, des policiers pour découvrir des meurtres, des savants fous, etc. Et le regard des gens, de la famille, sur ces êtres aimés réanimés et discriminés, ainsi que sur leur propre finitude? etc, etc.), sont ainsi négligées, et l'ensemble évolue trop rapidement.
C'est le dernier point noir pour moi: tout cela aurait pu donner un espèce d'énorme pavé complet, complexe et approfondi à la Black Hole (que pourtant je n'apprécie pas trop, mais qui se révèle tout de même assez approfondi), et en fait tout se passe très vite. Trop vite. On a l'impression que le message devait tenir en un certain nombre de pages, et on survole assez vite l'histoire, pour arriver au bout à marche forcée, sans que l'on prenne le temps d'approfondir, de s'attacher, de s'impliquer...
En gros, avec au moins 150 pages de plus et une vraie réflexion novatrice sur le thème pourtant central du scénario (et si on ressuscitait les morts pour s'en servir comme main d'oeuvre?), l'ensemble aurait pu être cool, et même encore plus. Mais il me semble que toutes les potentialités du scénario n'ont pas été utilisées, et l'ensemble est au final trop léger et peu cohérent à mon goût, ce qui nous conduit à rester sur notre faim, et au final à être déçus. C'est fort dommage.
Créée
le 9 févr. 2025
Critique lue 4 fois
D'autres avis sur Post-Mortem
Ce roman graphique confirme l'aptitude de Pierre Maurel à poser d'emblée une intrigue d' "anticipation" ou, au moins, d'utopie en rupture avec le réel et la vraisemblance. Dans "Blackbird", on...
Par
le 22 févr. 2014
Une bonne idée de départ, quoique très à la mode, mais mal utilisée. Les analogies avec les camps de transit et le nazisme sont lourdes et convenues. Très moyen.
le 20 mai 2012
Du même critique
J'ai choppé la BD en médiathèque, par intérêt pour le dessin, qui me rappelait du comic underground que j'avais apprécié, et un pitch qui pouvait être accrocheur. Cependant, tout au long de la...
Par
le 9 févr. 2025
Que dire sur Flétan? Ca m'a été conseillé comme une BD humoristique bien marrante par une employée de médiathèque avec qui je partage de nombreux goûts en commun. L'accent a été mis sur le côté...
Par
le 15 juin 2024
Didier Super est certes un habitué de l'humour bas de plafond (voire même bas de plancher ou de sous-sol). Pour autant, c'est tout bonnement génial. Arrière, chantres du bon goût et autres mandarins...
Par
le 12 mars 2019