Le gavage continuel d'informations est l'un des grands maux de notre société numérique, tant il questionne notre rapport à l'image comme à notre héritage. En effet, que laisse-t'on à eux qui reste, quand nous vivons dans une société de l'image instantanée ? Si les supports nous permettent désormais de les consulter quand on veut et d'en produire à foison, l'image n'a jamais été autant éphémère dans nos esprits que maintenant.
Il n'est donc pas rare de voir régulièrement éclore des réflexions en lien avec ces thématiques nouvelles, comme ici avec Préférence Système, une bande dessinée de Ugo Bienvenue. L'histoire prend place dans une France futuriste, saturant tellement en données qu'un corps gouvernemental a désormais pour objectif de supprimer les dossiers superflus afin d'éviter les surcharges...
Le problème, c'est que parmi ces éléments superflus, dont la notion-même est supervisée par des algorithmes, on y retrouve 2001, L'Odyssée de l'Espace, le célèbre film de Stanley Kubrick. Son taux de visionnage étant devenu bien trop faible, la logique l'emporte sur la sensibilité artistique : l'œuvre doit être supprimée. Mais un de ces agents refuse de s'y plier, et conserve l'œuvre avec lui, au risque de perdre tout ce qu'il a pour conserver ce fragment de la culture humaine.
Ce Farenheit 451 2.0 est donc l'occasion de s'interroger véritablement sur la notion même de données, dans un contexte de surproduction culturel et visuelle, où une image n'a plus la même valeur de culte qu'il y a 80 ans. Ici, le passé ne représente plus rien, si ce n'est un simple cube parmi des millions d'autres. C'est d'ailleurs cette infinité de vidéos et images, saturant l'espace, que Ugo Bienvenue critique avec beaucoup d'humour, pointant du doigt au passage l'état de délabrement intellectuel d'un monde comateux.
Le trait du dessinateur se prête assez bien, malgré sa froideur, à quelques séquences poétiques entre le rapport d'un robot à son environnement, mais aussi à la transmission de génération en génération, et nous rappelle à ce futur proche qu'est le nôtre : celui des intelligences artificielles et de la pensée assistée.
Reste désormais à savoir vers quel système nous désirons nous tourner...