A notre époque, on a bien assez d'un seul tueur en série pour remplir tout un épisode de série américaine, nation pionnière en matière de découpage de nanas. C'est-à-dire qu'on a une chance folle : la fureur meurtrière fait figure d'exception remarquablement saillante dans nos paisibles paysages. L'idée, donc, de massacrer de la bonne femme dans l'enfer des tranchées a quelque chose de flamboyant... le Mal particulier noyé dans le Mal collectif. Et ça fonctionne à merveille... un gendarme, méprisé par la chair à canon qui l'entoure, mène diligemment l'enquête pour serrer le ou les responsables de meurtres répugnants commis sur des femmes, non loin des premières lignes de combat. Il dispose de quelques indices le menant à une section très particulière, puisque composée de repris de justice mineurs. Autant dire que l'histoire tient la route et nous garde en haleine. Je serais plus modérée sur l'enthousiasme que me provoque le dessin. A la fois, le gars a le sens de la composition et de la narration. Ça se déroule de façon fluide et expressive, en adéquation avec l'histoire qu'il nous raconte. Par contre, je suis un peu moins convaincue par ses personnages. A moins que ces physionomies plutôt grossières ne soient en fait au service de la déconstruction des caractères dénoncée par l'histoire... pour une fois, la guerre, monstrueuse moissonneuse d'hommes, est vue également comme une polisseuse d'âmes géante, qui a passé toute une époque dans sa moulinette mortifère et affûté les perceptions de notre humanité, pour les siècles à venir. C'est un point de vue intéressant que ces personnages un peu décrits à gros traits ne contredisent pas... Ils vont peut-être se patiner au fil des tomes.