Critique numéro par numéro
#1 [Juin] J'attendais avec impatience cette série depuis son annonce, mais je dois avouer que le titre s'est tout de même révélé être une excellente surprise. Si vous ne jurez que par les univers partagés, le titre ne risque pas vraiment de vous plaire puisqu'il n'y a a aucune référence à l'univers DC. Il s'agit surtout d'une réactualisation d'une vieille licence DC, Prez, qui semblait déjà être en marge des autres séries à l'époque. Ici pas de super-héros ou de pouvoirs, vous oubliez complètement, parce que le titre ressemble plus à du Vertigo tout publics ou à un titre indé type Boom Studios. Ce qui n'est franchement pas pour me déplaire, ça apporte vraiment de la fraîcheur dans le line-up de l'éditeur.
Le gros point fort de Prez, c'est que c'est une satire de la société américaine et de son monde politique, qui se déroule dans un futur proche (2036) pour mieux pouvoir se lâcher dans la critique et la caricature, et surtout que l'on sent être écrite pour un public adulte mais aussi ado par sa jeune héroïne de 16-17 ans et le dessin très cartoony du titre, et c'est ça que je trouve intéressant. Les films, séries, comics pour jeunes n'osent que trop rarement être vraiment critiques sur le monde politique et le système en général. Là on a quelque chose d'intelligent qui incite à prendre du recul sur le monde qui nous entoure, à réfléchir, à analyser les problèmes, les failles dans lesquelles il s'engouffre, et c'est vraiment génial.
Cette histoire d'ado qui risque d'accéder au poste de présidente des USA est là pour montrer toutes les dérives du système, mais avec humour en poussant tout à l'absurde. On y parle débats télévisés et des techniques pour gratter de l'électorat, d'influence des youtubeurs, des jeux télévisés toujours débiles et malsain qui font miroiter la gloire, du financement participatif, du vote de protestation de l'électorat qui ne se retrouve plus dans les candidats proposés, des Anonymous, du poids des lobbys industriels... Y a vraiment pleins de thématiques intéressantes, et c'est toujours écrit avec malice et de façon accessible, jamais lourde ou trop technique.
L'héroïne est pour l'instant en retrait pour montrer l'univers de la série, mais ça va être très intéressant de la voir découvrir le monde politique, de voir comment elle va réagir face à tous ceux qui veulent déjà la manipuler. En tout cas, cette série commence déjà très très bien, elle est drôle, intelligente, bien écrite, prenante et en outre c'est très très bien dessinée et colorisée.
Franchement le titre est impressionnant de maîtrise, on voit que les auteurs savent très biens où ils vont, et je pense qu'on a là un titre à surveiller de près en espérant qu'il n'y ait pas de mauvaise surprise. [8]
#2 [Juillet] La meilleur série du relaunch DC You s'offre un second numéro tout aussi réussi que le premier. Il y a toujours cet humour grinçant qui se moque habilement des dérives du système américain, comme ici avec les votes des représentants et la logique des achats de voix qui est parodiée et poussée jusqu'à l'absurde. Il y a aussi d'autres trouvailles et le numéro est globalement très amusant. On a aussi le droit à une scène très belle pour l'héroïne avec son père, extrêmement réussie de la part du scénariste comme de la part de Ben Caldwell qui offre un découpage admirable pour cette séquence. Et plus globalement le dessinateur, accompagné des encreurs Mark Morales et Sean Pearsons et du coloriste Jeremy Lawson.
Bref encore deuxième numéro très réussi, rassurant pour cette série de deux mini-séries, qui commence pour l'instant admirablement. [8]
#3 [Août] Prez s'affirme mois après mois comme une excellente série. Elle est complètement séparée du DCverse mais elle est surtout à suivre absolument. Sa critique sociale et politique, sans trop de retenue, des USA (et des sociétés occidentales en générale pour certains aspects) est vraiment passionnante et intelligente, et je trouve ça génial de voir ça dans un titre tout publics.
Ici, on perd un peu de l'humour que la série avait jusque là, mais ça n'en demeure pas moins très intéressant quand Mark Russell s'attaque, toujours de manière très facile d'accès, très simple, très claire dans des dialogues soignés et des situations biens trouvées, à l’aliénation au travail, aux conditions de travail qui vont en diminuant et aux cadences exigées toujours plus infernales. C'est très bon également quand il s'attaque aux membres des gouvernements qui ne sont souvent que des politiciens biens éloignés des réalités du terrain. Et puis on a également une petite critique du capitalisme et du système de santé américain, ce qui ne fait jamais de mal.
C'est toujours une aussi bonne lecture. C'est vraiment un titre pertinent, original, intelligent, intéressant. Et qui, en plus, se paye le luxe d'être admirablement bien dessiné par Ben Caldwell qui a vraiment un superbe coup de crayon, avec un style cartoony vraiment super maîtrisé et agréable à l'oeil. Surtout que la colo simple, douce et efficace de Jeremy Lawson met tout ça bien en valeur.
Je ne sais pas si la série ira au-delà de sa première mini-série vu les ventes désastreuses qu'elle semble faire, mais profitons en tant qu'elle est là, parce que pour l'instant, c'est tout simplement l'un des meilleurs titres du marché. [8]
#4 [Septembre] La petite déception de ce numéro, c'est que ce n'est pas Caldwell qui illustre le numéro, contrairement à ce que dit la couverture (ce qui montre à quel point DC n'en a plus rien à faire de cette série...), mais Domo Stanton. C'est pas mauvais, mais on passe d'un excellent dessinateur à quelque chose de plus moyen, avec quelques maladresses. J'espère que Caldwell reviendra pour finir la mini.
Concernant le scénario, Russell continue de parodier les travers des USA, avec peut-être plus d'humour que dans le numéro précédant qui était néanmoins excellent . Ici on s'intéresse à la frontière avec le Mexique, gardée par des sentinelles robotiques dirigées à distance par des mecs qui voient ça comme un jeu vidéo. C'est toujours un humour noir, grinçant, absurde et efficace et la série est toujours agréable à lire.
Ceci dit, le scénario de fond n'avance que très peu. En présentant un nouveau pan du pays qui n'avait pas été développé jusque là, ça ralentit un peu toutes les intrigues sur la destinée de notre jeune présidente, la formation de son équipe, les opérations de l'ancien présidents ou les plans de Boss Smiley. C'est un peu dommage. Et comme je l'ai dit, le numéro n'est pas aidé non plus par la partie graphique plus faible que d'habitude. Pas le meilleur numéro de cette série, donc, même si ça reste une bonne lecture et ça reste une lecture qui vaut le détour. [7]
#5 [Octobre] Retour de Ben Caldwell aux dessins, du coup, ça va tout de suite mieux, la série reprend des couleurs. Il y a en plus une critique toujours aussi acide et savoureuse, tout en étant plutôt drôle, des travers de la société américaine contemporaine. C'est vraiment très bien. L'héroïne se fait un peu plus présente également, même si c'est dommage qu'elle n'ait pas vraiment de caractérisation et de personnalité. C'est peut-être ça qui commence à pêcher avec la série, il y a de bons sketchs, c'est une bonne satire, mais les personnages ne sont que des pantins au service de celle-ci et ne sont jamais vraiment développés.
On sent vraiment que la série est pas faite pour durer éternellement, en fait. C'est une caricature des USA modernes, Russell passe un peu de temps pour aborder tous les thèmes qui lui tienne à cœur, souligner avec humour ce qui lui semble être des égarements de son pays, proposer des pistes de réflexions... Et c'est tout. La destinée de cette ado qui se retrouve à la tête du pays le plus puissant du monde reste un peu au second plan. Dans ce numéro, c'est plus une porte-parole de la pensée de l'auteur et une porte d'entrée au monde de la politique internationale et de l'économie capitaliste, qu'un véritable personnage.
Ceci étant dit, ça reste vraiment très beau, très moderne graphiquement, et ça reste très agréable à lire. C'est bien écrit, intelligent... Il y a même des easters eggs qui font reférence à l'univers DC classique dans les bandeaux de news (par contre, dans l'intrigue en tant que tel, c'est toujours aussi indépendant du reste de l'univers DC). Et la partie sur l'industrie pharmaceutique et les vaccins est superbe, ça va droit au but, comme sait si bien le faire la série dans ces instants de grâce.
Bref c'est très bien. On commence, depuis le précédent numéro, à voir les limites de la série, mais ça reste une excellente lecture mensuelle et j'ai hâte de voir ce que va donner le dernier numéro de la mini, en espérant que Caldwell soit toujours aux dessins. [8]
#6 [Décembre] Ça y est la série est terminée, et comme on pouvait s'y attendre, on a le droit à un numéro complètement classique de la série, qui ne termine rien du tout puisque la série était à la base prévue en 12 numéros. D'ailleurs il est bien précisé un petit « à suivre » à la fin de l'épisode qui se conclut sur un cliffhanger en mode rien à foutre.
Reste que pour l'instant, la seconde moitié de la série n'est pas encore annoncée et mieux vaut se faire à l'idée qu'elle n'arrivera jamais pour mieux être agréablement surpris si ce n'est pas le cas. Et vu les faibles ventes de la mini, ce ne serait malheureusement pas étonnant que Prez demeure une œuvre audacieuse mais inachevée, qui n'aura pas rencontré son public malgré toutes ces qualités, mais que j'encourage tout de même à aller lire, ne serait-ce que pour sa critique lucide des USA d'aujourd'hui (et du monde occidental en général)...
Pour en revenir sur ce numéro en tant que tel, on retrouve l'humour critique et cynique habituel dénonçant les dérives politiques et industrielles, la corruption, les médias... A mon avis, ce n'est pas le numéro le plus inspiré de la série. C'est efficace, sympathique à lire, mais une routine commence à s'être installé dans la série et ça devient un peu répétitif. Et ce qui est dommage, c'est que le cliff semble annoncé un changement de rythme pour les prochains numéros, que l'on verra on ne sait quand. Par contre, côté dessins, c'est toujours aussi bon. Ben Caldwell est vraiment un excellent dessinateur, et son trait cartoony, maîtrisé et moderne donne une belle énergie à la série et un côté sympathique aux personnage. Couplé aux couleurs lumineuses de Jeremy Lawson et à l'encrage super propre de Mark Morales, on a vraiment un résultat super agréable à l’œil. Ça donne envie d'aller voir ce que le dessinateur à fait d'autre, en attendant d'avoir des nouvelles de Prez. [7]