Le revers
D’instinct, et même après réflexion, tout individu correctement innervé s’étant échaudé à quelques centaines de titres mangas, parmi les Shônens notamment, en viendrait à considérer qu’un Nekketsu...
le 17 août 2024
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D’instinct, et même après réflexion, tout individu correctement innervé s’étant échaudé à quelques centaines de titres mangas, parmi les Shônens notamment, en viendrait à considérer qu’un Nekketsu tient lieu de Sésame dans l’industrie – car c’en est une, d’industrie – du manga. Les histoires, pour la plupart d’entre elles, y sont toujours les mêmes. Les personnages sont torchés d’un trait de plume quand la mise en scène y est en plus quelconque. L’innovation étant apparemment un tabou dans le milieu, la seule évolution acceptable s’en sera toujours tenu à la régression du genre. Le pire du pire en matière de création ? Dans ce registre, il y a mieux. Et par « mieux », entendez par là qu’il y a pire.
Passant plus souvent inaperçu du fait qu’il suscite généralement moins d’engouement, le Shônen sportif, y’a pas de genre narratif qui soit aujourd’hui plus étriqué. D’un chapitre à l’autre, on devine ce qui va advenir. On le devine car on l’a lu cent fois. Depuis Captain Tsubasa, c’est à croire que rien n’a changé. Slam Dunk, dans le milieu du manga sportif, est analogue à Hunter x Hunter dans le nekketsu, l’un comme l’autre ne sont rien d’autre que d’illustres exceptions dans le marasme éditorial ambiant ; des joyaux inestimables scintillant au fond d’une cuve. Et ai-je seulement besoin de préciser de quoi est remplie la cuve pour mieux mettre en exergue ce que vaut le milieu éditorial Shônen à ce jour ? Rien qu’à l’odeur vous pourrez le deviner.
Haikyu!, Kuroko no basket, Major… ils sont pléthoriques ces titres où le sport estudiantin et ses compétitions nous est narré à l’identique et ce, à la ligne près. Nonobstant la discipline sportive, l’histoire comme le reste prendront la forme du moule qui s’impose au genre. Prince du Tennis s’inscrit dans cette tradition éditoriale qui, vue d’ici, ressemble à une chaîne d’usinage où ce qui y est produit y est aussi standardisé.
Oubliez les Ping Pong ou autres Touch, tout ici y sera convenu. Du nouveau ? Du neuf ? De l’originalité ? C’est à ça que vous aspirez lorsque vous vous saisissez d’un tome de Prince du Tennis ? Vous n’en avez pas fini de revenir de vos illusions.
Echizen n’est pas un personnage principal au sens où peut l’entendre un créateur de fiction. Il n’est pas un personnage à part entière ; il est la représentation de Dieu. Le voilà qui arrive à douze avec sa bite et son couteau – sans oublier sa raquette bien entendu – et qui met à l’amende tous les grands du championnat lycéen. Il a un regard déterminé, l’œil du tigre. Ah, c’est qu’il a toutes les qualités ce brave garçon. Il ne lui manque guère qu’une personnalité pour qu’on puisse l’apprécier. Et la remarque vaudra pour tous ceux qui auront l’audace de croiser sa route pour mourir sous son avancée inexorable. Un personnage secondaire, dans Prince du Tennis, c’est un marche-pied sur lequel Echizen ira y appuyer ses semelles pour se hisser plus haut. Si haut qu’il pourrait s’extraire du manga dans lequel il est enfermé pour venir nous crier « Dis donc, t’as vu comme je suis balaise ?! ».
Oui Echizen, j’ai vu. Ce n’est pas comme si toute la scénographie n’œuvrait pas déjà en ce sens. L’univers de l’œuvre ne tient qu’à lui ; ne tourne qu’autour de lui.
Je ne lui soupçonnais pas un tel âge Prince du Tennis. 1999, c’est la même année où Naruto a commencé à paraître. Prince du Tennis, cependant, n’a pas d’âge. C’est un de ces mangas faits de pâte molle qui s’adapte aux canons de l’époque. On est un meneur qui innove ou un suiveur au regard torve. Takeshi Konomi n’a pas d’audace quand il écrit son manga, rien qu’un business plan. Le manga sportif, c’est le bon filon. Les championnats s’écrivent tout seul, les antagonismes naissent d’eux-mêmes du fait du seul contexte, et on peut faire durer ça longtemps pour peu qu’on étale le fil du récit sur toute une période scolaire. Pour ne pas lasser les moins exigeants des lecteurs, il suffira simplement de donner ce qu’il faut d’inflexion au dessin pour qu’il se conforme à ce qui se fait pour l’époque donnée. Les années 2000 supposent de lisser les traits et de tendre vers du bishônen mijaurée tendance Boys Band japonais ? Qu’à cela ne tienne, on abâtardira le style en conséquence. De style, l’auteur n’en a pas ; son dessin prend ainsi la forme de l’ère du temps. Quand on est aussi malléable sur le plan créatif, cela en dit bien assez sur la robustesse de sa colonne vertébrale. De là à dire que monsieur Konomi n’en a pas…
Fort bien. Ce qui entoure le tennis dans un manga qui, du tennis, en a fait le centre de son récit, ça n’est pas folichon. Mais qu’en est-il de la discipline sportive en elle-même ?
À cette question, je n’ai pas la réponse. Je n’ai pas vu de tennis, mais une succession de coups portés à l’envolée du moment au beau milieu d’une mise en scène qui, il faut bien dire, se trouve à la ramasse. De l’intensité, à moins de se piquer à l’adrénaline, vous n’en aurez pas même une once qui viendra vous piquer l’échine. Ce n’est pas que l’œuvre renonce à être spectaculaire – elle ne cherche que ça – mais elle n’y parvient pas du fait d’une incapacité pour l’auteur à faire preuve de la moindre habileté dans ce registre. Quelques plans supposés impressionnants pour donner le change, et voilà qui suffira à enrhumer du crétin.
Tout y suinte l’impersonnel et le quelconque. La fausse intensité ne prend pas et fatigue un peu plus à chercher à capter votre intérêt vainement plutôt que d’y parvenir par un travail de mise en scène travaillé.
La preuve que l’auteur a fait de Prince du Tennis un gagne-pain plutôt qu’un manga à part entière ? Ses autres contribution n’ont tourné qu’autour de son premier succès. Son œuvre, quelconque, sera sortie du lot grâce à son adaptation animée où les outrances les plus débiles et tapageuses s’y seront déversées dans un déluge intarissable. Aussi, Takeshi Konomi s’est proposé comme l’un des auteurs de toutes les innombrables suites animées d’un manga pourtant voué à l’oubli. Entendez par « auteur » qu’il a donné son aval au projet en lui associant son nom et en jetant un script écrit en deux semaines. Voilà pour sa contribution artistique.
Dans la même veine d’un Akira Miyoshita et autres auteurs venus à l’édition manga pour l’oseille, Takeshi Konomi exploite inlassablement la seule de ses œuvres à avoir eu du succès pour en retirer une rente qu’il espère sans doute infinie. C’est triste de voir un mangaka aussi peu investi sur le plan créatif et tant préoccupé pour ce qui est de ses finances. Akira Toriyama non plus n’avait guère de respect pour le milieu du manga. Il s’y est lancé initialement pour s’acheter ses clopes. Cela ne l’a pas empêché de prendre des risques en s’essayant à d’autres choses sur le plan créatif… aboutissant à une révolution dans le paysage Shônen qu’aucun auteur n’a su éclaircir depuis.
Si Takeshi Konomi a manifestement si peu de respect pour ses lecteurs qu’il en fait ses vaches-à-lait depuis plusieurs décennies déjà (honte à eux de souscrire à l’infamie depuis si longtemps), fatalement, le respect que l’on vouera à Prince du tennis ne saurait être plus recommandable. Qu’il nous crache à la gueule, c’est une chose, mais qu’il ne s’étonne pas qu’on vienne lui glavioter au fond de la gorge en retour.
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le 17 août 2024
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