Critique de Shaynning
Second opus de la série qui a gagné le Prix des Libraires du Québec dans la catégorie BD étrangère, "L'ombre de l'oiseau" est plus sombre et profond, mais prend place dans un monde plus élaboré,...
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le 23 oct. 2022
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Cette BD jeunesse propose cinq courtes histoires se partageant un personnage principal, le prince Edmond, avec sa grande culotte jaune, ses cheveux noirs et ses pieds dénudés. C'est une BD atypique, proposant un type de protagoniste singulier et des structures d'histoire différentes.
Dans la première histoire, "Le dragon", nous débarquons en pleine réunion de princes avec leurs dragons. Alors que le prince vert et le prince bleu discutent de ce qu'ils font griller par leur dragon, le prince noir, Kahys, se vante de faire rôtir des armées avec son dragon rouge - qui a d'ailleurs l'air très agressif. Edmond détonne avec son calme et son dragon, d'un poil rose limonade, ne souffle que de l'air tiède. Kahys se moque d'eux, si bien que lorsque le dragon rose se colle contre Edmond en quêtant un câlin, Edmond le repousse. Ce n'est pas qu'il n'aime pas son dragon, ils font pleins de choses amusantes ensemble, comme jouer dans les flaques, faire des courses ou faire des roulades. Mais cela n'impressionne pas ses copains. Edmond songe alors qu'il faudrait l'entrainer alors il part avec son dragon pour voir comment Kahys entraine le sien. Toutefois, ce que le prince voit est terrible. Le prince noir force son dragon, qui vit dans une cage, a ingérer des seaux de chardons ardents. Edmond prend alors la décision de le délivrer. Quand le dragon est libéré, il pulvérise la cage à l'aide son feu et retrouve sa liberté. Edmond et son dragon repartent à la maison manger des fraises.
Edmond a donc une grande sensibilité. Son dragon n'est certes pas le plus effrayant et pour cause, on dirait une version rose d'un Godlen Retriever. Néanmoins, lui et Edmond ont une belle relation et sont plus des partenaires de jeu qu'un maitre avec son animal. C'est une belle représentation, spécialement pour un personnage masculin, qui souffre encore trop souvent du concept désuet de "virilité".
Dans le "tigre", Edmond décide qu'il veut devenir un tigre et se peint en orange avec des lignes noires sur le corps. Il quitte son château rose pour aller "vivre" dans la forêt. Seulement, il a oublié de prendre son déjeuner et a donc déjà très faim. Edmond tente de chasser, mais il n'a guère envie de faire du mal aux animaux. Ces derniers n'ont d'ailleurs pas peur de lui. Il finit par jouer avec des marcassins dont les règles nébuleuses de leur jeu lui échappe. Après avoir affirmé vouloir être un tigre végétarien, il partage le gouter des marcassins et en perd même un dent.
On peut dire que notre prince n'a pas l'âme d"un chasseur, mais il a un talent pour communiquer avec les animaux ( encore un!).
Dans la très courte histoire "Les lunettes", notre prince cherche frénétiquement une paire de lunette parmi sa collection appréciable de lunettes. Il parvient à dégoter sa paire favorite: Celle avec des lentilles roses en forme en cœur. Pour citer la BD: Il suffisait qu'il les mette sur son nez et la pire des journées prenait un goût de barbe-à-papa.
Ça me fait plaisir de voir ce prince adorer la couleur rose et capable d'apprécier quelque chose d'aussi simple qu'un changement de couleur pour adoucir sa vie.Les petits bonheur sont aussi valables, après tout.
Dans "La conversation", Edmond se rend à la plage et souhaite converser avec un crabe. Ce dernier semble l'ignorer et disparait sous l'eau. Décidé, le prince le suit. Il change d'interlocuteur en la personne d'une murène, puis d'une méduse, pas plus loquaces. Il finit par se lasser et songe qu'il pourrait aller nager dans le ciel, qui a la même couleur que la mer. Quand il rencontre les oiseaux, en particulier un, très gros, ce dernier lui fait remarquer qu'on ne nage pas dans le ciel ça va à l'encontre de la gravité. Le prince finit donc par tomber en plein mer. Alors qu'il boudait au fond de l'eau, un petit poisson jaune le tapote du bout de son museau. Il semble se demander ce qu'il lui arrive pour ainsi se morfondre. Le prince se rend compte que les poissons n'ont peut-être pas besoin de parler pour communiquer, surtout quand toute une nuée de poissons virevoltent autours de lui.
Ça c'est intéressant comme thème. La communication non-verbale fait aussi bien parti des façon d'entrer en interaction, avec le non-verbal gestuel et physique notamment. La présence attentive, les sourires, les expressions faciales, les petits gestes comme les accolades ou les mains sur l'épaule, toutes ces façon de dire à l'autre quelque chose sans le verbaliser, on en parle très peu. C'est d'ailleurs ce qui manque aux communications via les écrans. Bref, j'aime bien la présence de cette petite fable.
Enfin, dans "Les cadeaux", Edmond se balade en forêt avec sa mère ( qui l'air d'un croisement entre une dryade et une geisha). Celle-ci s'étonne des trouvailles de son fils. Plutôt que des fruits et des noix, Edmond récupère des pierres rondes, de jolies pierres précieuses et des plumes colorées. La maman lui fait remarquer que tout ça ne se mange pas, mais ce n'était pas la finalité que leur destinait Edmond, de toute manière. Ce sont des cadeaux pour les arbres, qu'il dépose à leurs troncs ou à travers leurs feuilles. Quand Edmond rentre à la maison, à la nuit tombée, les arbres se penchent pour découvrir les cadeaux et en frissonnent de plaisir. Ils laissent leurs feuilles virevoltantes se rendent à la chambre d'Edmond, comme un remerciement.
Ce dernier morceau de BD me fait songer à un conte, avec sa douce magie naturelle et ce gentil garçon qui aime gâter les arbres. Pas de doute que ce prince sensible et généreux sera un grand monarque un jour, bien loin du gros cliché du prince charmant musclé et débile.
Côté graphique, j'aime bien le style un peu coulant des lignes, qui rendent les corps souples et le mouvements fluide. La nature est fortement présente, dans divers tableaux, comme la forêt, le désert ou la mer. Les pleines pages côtoient les quelques cases, ce qui donne au livre des airs d'albums également. Les couleurs sont vives et homogènes, ce qui n'empêche pas de voir des jeux dans les couleurs, surtout dans les arbres. Il y a une forte présence de bleus, de jaunes, de roses et de noir. Enfin, il y a des jeux de forme dans les bulles. Toute la BD respire la vie et le mouvement, c'est agréable à regarder et se prête bien au personnage principal, très explorateur et doté d'une sensibilité à ce qui est beau autant que ce qui est vivant.
Les cinq histoires peuvent sembler ne mener nul part à priori, sans fil conducteur et sans réelle quête, ce qui se distingue des BD jeunesse plus standards, mais je pense que c'est le genre de Bd où il faut justement pousser un peu l'esprit hors des sentiers battus. La Bd sort des conventions à bien des niveaux, autant social que graphique, et certaines histoires ont des fins ouvertes. Ça me fait dire que la BD sera une intéressante œuvre pour ouvrir des horizons aux jeunes lecteurs, leur faire voir autre chose.
Néanmoins, le tout peut manquer d'action ou d'additivité. Ça reste très léger comme univers.
Enfin, les textes sont en police carrée, mais les dialogues dans les bulles sont en police cursive ( attachée).
"Prince Edmond" est une BD qui se savoure comme une nouvelle saveur de crème glacée/glace un peu bizarre. Je suis curieuse de voir ce qui ressortira des lectures des jeunes de cette BD, ça promet d'être intéressant.
Pour un lectorat du second cycle primaire, 8-9 ans.
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Créée
le 25 mai 2023
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