Enfants, plusieurs orphelins élevés sur une petite île japonaise ont été témoins de sacrifices humains en l’honneur de la Princesse Kaguya. Ils réussirent à fuir et à se trouver de nouvelles familles, mais s’aperçurent bien vite que le sort les frappait systématiquement lorsqu’ils atteignaient l’âge fatidique de 16 ans.
Pour mettre fin à cette malédiction, ils n’ont d’autre choix que de retourner sur l’île de leurs cauchemars.

Les shôjo ne se cantonnent pas aux simples histoires d’amour. Je l’ai déjà indiqué maintes fois, mais les shôjo, c’est du sérieux. C’est d’autant plus valables avec des femmes mangaka beaucoup plus promptes que leurs homologues masculins à intégrer des éléments glauques et dérangeants à leurs histoires.
Princesse Kaguya incarne à lui-seul tout le potentiel d’une vague fantastique à la limite de l’horrifique dans le shôjo manga. Malheureusement, il s’agit aussi du parfait exemple du shôjo ambitieux, profond, et mémorable, qui se vautre complètement sur le marché français, justement car il casse des préjugés bien installés chez nos compatriotes.

En même temps, il faut bien avouer qu’il est très compliqué de parler de Princesse Kaguya. Le synopsis donné plus haut résume bien le début de ce manga, mais ne rend absolument pas compte de son évolution au fil des tomes, qu’il serait impossible de décrire à moins de devoir révéler des éléments majeurs de l’intrigue. Il faudra donc faire confiance au lecteur qui vous recommandera ce titre, sans chercher à trop se renseigner sur la suite des événements pour garder intact tout le plaisir lié à sa découverte progressive. Car les révélations ne manqueront pas, dévoilant un scénario élaboré parfaitement maitrisé de la part de son auteur.
La question qui se pose maintenant : comment faire l’article de ce manga – car il est entendu que je l’apprécie tout particulièrement – sans pouvoir m’appesantir sur nombre de ses points forts ?

Dans un premier temps, il convient de rappeler de quoi parle la légende de la princesse Kaguya, bien connue des Japonais et maintes fois reprises dans des oeuvres aussi diverses que Queen Millenia, Ayashi no Ceres, ou Sailor Moon.
Un jour, un vieux coupeur de bambou découvre une enfant minuscule, que sa femme et lui décident d’élever comme leur propre fille, et qu’ils appellent Kaguya-hime, ou « la princesse lumineuse ». Arrivée à l’âge adulte, sa grande beauté en fait l’objet de toutes les convoitises, y compris celle de l’empereur ; aussi décide-t-elle d’imposer à ses prétendants des épreuves impossibles à réussir, afin de les éconduire. Kaguya-hime justifie son comportement car elle ne vient pas de notre monde, et ne peut donc s’unir à un humain. Puis le peuple de la Lune vient la chercher, et la ramener dans son monde d’origine ; elle s’envole alors grâce à sa robe de plumes.
Dans une autre version de l’histoire, sa robe de plumes lui a été dérobée par un humain, l’empêchant de retourner parmi les siens.

Dans Princesse Kaguya, les personnages sont confrontés au début à ce qu’ils prennent pour une secte d’adorateurs de la princesse Kaguya, qui élève des enfants comme eux sur une petite île reculée pour servir de sacrifices humains lorsqu’ils arrivent à l’âge de 16 ans ; le tout sous le couvert d’un orphelinat. Ils s’enfuient, se dispersent dans la société japonaise, et certains se perdent de vue ; mais ils apprennent rapidement que le malheur continue de les frapper lorsqu’ils entrent dans leur 16ème année, d’où la nécessité de se réunir et de rejoindre l’île.
Deux d’entre eux ont gardé des liens très forts : Yui et Midori. Leur premier objectif consiste à retrouver Akira, la seule fille du groupe, et à effacer toute trace de son existence pour la dissimuler aux yeux de ceux qui les poursuivent. Akira, depuis son arrivée au Japon, a été adoptée par une artiste peintre qui nourrit une liaison des plus ambiguë avec elle, au grand désespoir de sa fille biologique, elle-aussi folle amoureuse de cette adolescente aux traits androgynes.

Vous l’aurez compris, Princesse Kaguya cultive le mystère d’entrée de jeu, avec son côté horrifique et son histoire de malédiction dont nous pouvons décemment nous demander s’il s’agit d’un élément fantastique ou de la manifestation d’un cerveau malade. Une des forces de ce manga, c’est que nous n’en saurons jamais tellement plus que les personnages eux-mêmes sur les nombreuses zones d’ombre qui entourent leur existence. Nous les suivrons donc dans leur quête non seulement pour leur propre survie, mais aussi pour découvrir ce que cachent ces sacrifices et leur présence sur l’île dans leur enfance.
Ces mystères ne sont pas là juste pour attirer le lecteur, car ils connaitront des explications et des évolutions des plus réussies, et souvent aussi inattendues que géniales. Impossible de dire qu’il y ait tromperie sur la marchandise.
Comme le montre bien la relation à la limite du masochisme entre Akira, sa mère adoptive, et la fille de celle-ci, ce manga ne rechigne pas à mettre en scène des éléments que la morale réprouverait. Il s’agit là d’un autre élément important de l’œuvre : son côté sombre ; la mangaka n’hésite pas à confronter ses personnages à des événements perturbants, à des individus instables et dérangés, à des traumatismes, voire à la mort elle-même. C’est aussi ce qui lui permet de surprendre son lectorat, car rien n’est jamais sur des rails et tout peut arriver, pour le meilleur mais surtout le pire.

Difficile d’en dire plus sans commencer à en dire trop. J’ai évoqué les bases des premiers tomes, l’aspect adulte, dérangeant, et parfois glauque du scénario et des protagonistes, la présence de moult mystères et des révélations originales qui vont avec, et son manque cruel de succès auprès du public francophone ; ce qui en l’occurrence serait aussi un compliment, étant bien entendu que le public en question a globalement des goûts de chiotte, surtout en matière de shôjo. Car oui, quand le tome 1 de Kamakura Diary s’écoule à peine 600 exemplaires, si ça ce n’est pas une preuve, je ne sais pas ce que c’est ! Mais je digresse.
Voilà, j’ai conscience que ma chronique était un peu légère, et même temps, je ne peux m’étendre d’avantage. Aussi suis-je obligé de me limiter à mon ressenti en tant que lecteur, en tentant de ne pas trop recourir aux superlatifs. La publication de Princesse Kaguya n’est pas encore terminée en France, mais ce que j’en ai lu me pousse à le considérer comme un des meilleurs titres sur le marché à l’heure actuelle, car rien n’y manque : des personnages torturés, un scénario élaboré et riche en surprise, des émotions fortes, et un dessin d’une grande finesse. Si après ça, vous n’avez pas au moins la curiosité de le lire, je ne sais plus quoi rajouter.
Ninesisters

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