L'avis de 666Raziel sur la série (7 tomes)

Il y a tellement de choses à dire sur Promethea que l'on pourrait facilement en faire le matériau principal d'une thèse littéraire.

C'est un comics très surprenant qui mélange les genres, les styles et les formats de mise en page pour aboutir à un résultat final extrêmement prétentieux.
Je plussoie les lecteurs qui ont décroché car j'ai moi même, à plusieurs reprises, failli arrêter ma lecture. Malgré tout, ayant emprunté les 7 tomes à la médiathèque, je me suis forcé d'aller jusqu'au bout.
Après avoir refermé le dernier volume, je ne regrette pas mon effort. Promethea est un comics déroutant, mais les révélations finales apportent des explications à la hauteur des attentes du lecteur.

(Je tâcherai de modérer mes propos, mais mon avis risque fortement de contenir des spoils !)

Au vu du titre, on s'attend aux aventures d'un personnage. Mais qui est vraiment Promethea ?
Un avatar de l'imagination. C'est ce qui est dit en 4e de couverture. Sauf que cette assertion est très limitée.
Dans son dernier chapitre, Alan Moore présente l'imagination comme une des plus grandes forces de la création.
Rétrospectivement, la transformation de Sophie Bangs en Promethea dans les premiers volumes apparaît autant comme un test de passage pour le lecteur que pour le personnage. Car en définitive, l'entité Promethea n'a qu'une seule vocation dans le récit : le conclure. Tout le reste de ses aventures sert de prétexte à l'auteur pour développer sa véritable intention : une analyse de l'occulte.

En effet, tous les canons classiques du comics de super héros sont ici traités avec légèreté. Donc, fondamentalement, je ne pense pas que l'on puisse qualifier ainsi cette série.
Dans la littérature, j'ai trouvé une autre œuvre qui lui est, conceptuellement, très proche : il s'agit de la Pentalogie du ciel de Bernard Werber.
Pour ces deux titres, la narration sert plus à avancer des idées ou des réflexions qu'à raconter une histoire. Aussi dans Promethea, dès la fin du tome 3, commencent de longues phases explicatives sur divers aspects ésotériques : les tarots, le tantrisme, la kabbale, etc. C'est intéressant, d'un point de vue culture générale, pour peu que vous ne soyez pas rigoureusement cartésien.
Que l'on adhère ou non à ce qui est raconté, il faut tout de même admettre qu'Alan Moore le présente bien. Son texte est assez pédagogique. Voire même trop ce qui a, parfois, tendance à déséquilibrer le récit.

Et c'est au moment où le récit devient de plus en plus mystique que tout le génie artistique du dessinateur s'éveille. Il y a, dans la mise en page de Promethea, de quoi faire un cours sur le découpage des cases dans la bande dessinée. Le dessin devient à la fois décor et acteur du récit. Les pages s'analysent autant comme un tout que comme un ensemble de cases. Le sens de lecture n'est pas toujours linéaire. Le style du dessin évolue également selon ce qu'il est censé représenter. (Voir la galerie pour un exemple.)
Présenté ainsi ça a l'air magique. Et souvent ça l'est ; mais il y a malgré tout quelques ratés. Sont ils imputables à l’œuvre en elle même ou juste à sa traduction, je l'ignore, mais il y a quelques pages pour lesquelles j'ai du m'y prendre à plusieurs fois pour comprendre l'ordre de lecture des bulles.
Le cas extrême fut une double page sur l'anneau de Möbius. L'idée semblait être de présenter un ensemble de lecture formant une boucle infinie. Sauf que je n'ai jamais réussi à la lire correctement et suis donc passé à côté.

Autre élément qui illustre la prétention de l'oeuvre : les événements qui entourent sa conclusion. A partir du 6e tome, l'histoire redevient plus classique et alors que la fin approche, Alan Moore fait intervenir de nombreux personnages issus du catalogue ABC (Tom Strong, Jack B. Quick, Jonni Future). Ainsi, le dénouement n'est pas celui d'une histoire, mais celui d'une expérience.
J'ai vu pas mal de cas où la fiction brise le 4e mur pour intégrer le lecteur, mais aucun ne l'a fait avec autant de force que Promethea. Sans vouloir faire du prosélytisme, je dirais que l'on ne lit pas ce comics, on communie avec lui.

En conclusion, je citerai les dernières pages de la série : Promethea remplit le même rôle que son homologue titanesque de la mythologie grecque. Par le biais de la bande dessinée (meilleur moyen de faire passer clairement et durablement une information, selon le Pentagone dans les années 80), Alan Moore imprègne notre mémoire de "sa lumière".
Peu importe d'être réceptif à ce message, l'expérience littéraire est unique.

Voilà pourquoi, si l'ésotérisme ne vous rebute pas, je vous recommande de lire intégralement cette série.
Je n'en recommande pas l'achat pour deux raisons. D'une part, en France, nous n'avons pas d'édition qui fasse véritablement honneur au récit. D'autre part, comme je le disais juste avant, Promethea est plus une expérience à vivre qu'une lecture à parcourir. A moins d'être véritablement passionné, je ne pense pas que d'autres relectures vous apportent véritablement quelque chose.
666Raziel
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le 29 juil. 2014

Critique lue 118 fois

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