Un fétichisme français
La logique m’échappe. Au point où j’en viens à lui supputer des allures de pure fiction. En entamant la critique par ce constat faussement désabusé, je ne prétends pas que Psyren était un Shônen...
le 24 nov. 2023
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La logique m’échappe. Au point où j’en viens à lui supputer des allures de pure fiction. En entamant la critique par ce constat faussement désabusé, je ne prétends pas que Psyren était un Shônen injustement fauché dans la fleur de l’âge, mais un Shônen qui n’était finalement pas plus mauvais qu’un autre. Et d’autres qui ont perduré bien au-delà de leur date d’expiration, il y en a eu une chiée. Oui, une chiée… c’est le mot juste.
Psyren a sa petite légende bien à lui puisqu’il avait un public malgré sa fin de parution prématurée ; le drame étant que ce public vivait à quelques milliers de kilomètres des côtes nippones. Pour une raison qui m’échappe, ce titre, qui n’avait rien d’exceptionnel à faire valoir dans ses mérites ou bien ses démérites, a curieusement conquis le cœur d’un public français qui, lors de sa parution, lui était acquis sans réserve. Je m’en souviens pour avoir été contemporain lors de a publication, il y avait autour de Psyren en engouement qui valait presque l’enthousiasme du trio de tête d’alors, à savoir Naruto, Bleach et – ajouta t-il dans un soupir – One Piece. L’œuvre avait trouvé une résonance dans les cœurs français alors qu’un regard scrupuleux et attentif m’amène à considérer qu’il n’avait rien de plus qu’un autre. Mais il n’avait rien de moins, d’où mon incompréhension quant au fait qu’il dut connaître une fin prématurée après tout de même seize tomes.
Je l’ai apprécié un court temps ce manga-ci, lorsque je fus plus jeune. Car à défaut de grives, on mangeait des merles. De merles, aujourd’hui, il n’y en a plus. On mange des corneilles. Des corneilles faisandées. On sait que la décadence est effective quand on en vient à regretter la mauvaise qualité d’alors pour s’extraire de ce qui fait de plus exécrable en ce jour. Et pourtant, même si je l’ai apprécié un temps Psyren, ses atouts, avec du recul, me paraissent bien décatis.
Ce style impersonnel, ces contours encrés à l’extrême ; tout manque de caractère et résonne aux yeux comme une coquille vide dont la surface n’a que bien peu de choses à faire valoir. C’est propre, oui ; mais c’est propret. Les personnages sont insipides de par leur apparence avant de l’être quand la trame leur accorde une réplique. Après un premier coup d’œil et même un second, le dessin manque d’âme.
Les personnages – j’en avais dit un mot alors que je ne parlais que de leurs contours – sont assez plats pour qu’on marche dessus sans y regarder à deux fois. C’est flagrant dès la première page, ça aura cherché à faire du Bleach, celui des débuts, dans les avenues de Karakura, alors que la traque au Hollow nous paraissait plus légère à l’orée du crépuscule après une journée passée au lycée. Mais ça loupe son effet ; les personnages, comme le dessin dont ils sont faits, n’ont aucun caractère et ne réagissent que comme le feraient des programmes informatiques dotés de bien peu de variables. Des archétypes… encore.
Mais l’intrigue est bonne. Mieux encore, cette garce a le culot d’être remarquablement bien exécutée à ses débuts. Alors qu’il n’y a rien ou en tout cas pas grand-chose à en attendre au regard de ses protagonistes creux et bruyants, l’immersion du monde réel à celui de Psyren nous plonge dans une angoisse relative. Une angoisse qui, dans une moindre mesure, nous rappellera celle de Gantz, là où il est question de survivre avec des inconnus à des sessions de « jeux » contre des monstres et dont le manga s’est abondamment inspiré afin d’établir son postulat. Une inspiration aussi puisée dans l’École Emportée si l’on en juge le cadre qui nous est présenté. On retrouvera évidemment les clichés d’usage accolés sur toutes les planches, mais on prendra un plaisir – relatif en ce qui me concerne – à mieux faire connaissance avec ce monde dévasté qui, il faut le dire, est porteur de promesses singulières sans que celles-ci ne soient non plus foncièrement originales.
Les premiers reproches que l’on pourra adresser à Psyren pour ce qui est de sa trame tiennent au fait qu’il se sera finalement trop éloigné de ses inspirations. Un relatif plagiat, dans le cas présent, eut été autrement plus acceptable que de dévier du droit chemin comme il l’a fait. Je mentionnais Bleach plus tôt, aussi, imaginez que dès le premier volume, on embraye des Hollows aux premiers Arrancars ; imaginez passer de la première à la sixième vitesse en éludant les paliers intermédiaires. Oui… ça commence en calant.
Tout se résout bien vite aux seuls mérites de la bourrinade sans grâce ni intérêt, le tout, évidemment étalé sur des chapitres entiers remplis de vide. Bleach savait esthétiser sa violence pour devenir emblématique. Psyren, en ce qui le concerne, fait dans le commun ; dans un registre qu’on se plaît à oublier aussitôt après en avoir été le spectateur.
L’origine des pouvoirs est fainéante au possible. « On ne sait pas tout du cerveau humain… donc bon, on va dire que ce qu’on ne connaît pas permet de faire tout ce qu’on va faire » aurait pu être un résumé plus concis et plus honnête de son fonctionnement. Pour décevant que soit l’explication derrière les pouvoirs de ce Shônen… on est encore au-dessus de la moyenne de ce qui se fait aujourd’hui dans les œuvres analogues. Et puis… on en parle du test du verre d’eau – pardon – du test de la tasse de café pour déterminer son affinité ? Quand Toshiaki Iwashiro emprunte, il le fait à pleines pognes et sans vraiment chercher à s’en cacher. C’en serait presque charmant si ça n’était pas des micro-plagiats grossiers.
Les séquences d’entraînement, du reste, seront aussi inintéressantes qu’interminables. Mais l’auteur veut faire semblant ; que son lectorat n’ait pas l’impression que le Rasengan option trou noir ne vienne de nulle part. On sent toutefois à la lecture que ces phases d’entraînement sont là en guise de pis-aller et qu’elles n’ont que bien peu de pertinence pour ce qui est du cheminement du récit. C’est très mal amené, et sans idée neuve ; alors on s’ennuie.
Puis on alterne entre passé et présent avec des personnages chiants dont on ne sait trop quoi faire. Des destructions en série s’enchaînent, mais on blablate suffisamment entre chacune des séquences afin de ne pas trop rappeler aux lecteurs à quel point celles-ci sont fréquentes. Et loin d’être trépidantes de surcroît tant les combats sont aménagés sans conviction ni réel travail pour ce qui est de la chorégraphie. Ça fait « paf » par ici « boum » par là ; faites avec et dites « merci ».
L’histoire se sera terminée de manière abrupte, mais je gage que si un sursis avait été accordé à l’auteur, il n’aurait pas agi autrement et aurait narré la même partition, mais sur le temps long. Quant à la toute fin… je me doute que l’auteur devait être quelque peu dégoûté et trop peu disposé à commettre le moindre effort pour achever une œuvre qu’il espérait encore faire prospérer longtemps sur le terreau du mauvais goût… mais tout de même.
Je crois que c’est le fait d’avoir été annulé si prématurément qui, finalement, permettra à Psyren d’avoir droit à quelques charmantes intentions de ma part. Celles qui font qu’il ne fera pas partie de la liste des Shônens concons où il y a pourtant sa place, celle qui fait que je lui attribue un trois plutôt que le deux qu’il mérite. Car en définitive, il n’était pas plus mauvais qu’un autre de ces déchets qui, eux, n’auront que trop longtemps prospéré, sans halte et sans vergogne. Aussi, je persiste et signe : la logique derrière l’annulation de Psyren m’échappe, car elle n’était pas fondée au regard de ce que propose la concurrence.
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le 24 nov. 2023
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