Ce qui est sorti de ma lecture de Punk Rock Jesus, en tout cas au début, ç'a été un profond sentiment de colère et d'incompréhension. Mais pas pour les raisons que l'on pourrait croire.
Autant commencer ma critique en précisant, par simple honnêteté intellectuelle que je suis croyant (catholique, ça aura une importance à un moment donné), mais que contrairement à beaucoup de mes frères et sœurs dans le Christ, pour reprendre une jolie expression, je n'en ai rien, mais alors rien à battre du blasphème. L'idée que certains puissent être choqués par des marques d'irrespect, de moqueries ou de haine avouée face à mon Dieu ou ses représentations m'est compréhensible, mais je ne la partage pas. Sérieux, il en a vu d'autres...
Punk Rock Jesus est assez simple à résumer, en tout cas au début, et le résumé présent sur le site le fera mieux que moi, mais je vais tout de même le reprendre pour essayer de souligner le problème : pour une émission de téléréalité, un magnat du divertissement décide de créer un clone de Jésus-Christ, en se basant sur des traces ADN récupérées sur le linceul de Turin. Bien sûr, les débats sont violents (littéralement) quant à l'éthique d'un tel projet, mais celui-ci est lancé malgré tout, et recueille un succès planétaire, malgré la réaction particulièrement négative des évangélistes américains.
Punk Rock Jesus s'appuie sur une idée de base audacieuse et volontairement choquante. Mais que l'on ne s'y trompe pas : Sean Murphy vise deux cibles à la fois. La première, la plus évidente, est la religion, tournée continuellement en dérision, la seconde...les États-Unis. La conséquence ? Murphy rate sa cible première, c'est-à-dire la religion, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, Murphy est américain et, en tant que tel, il a un point de vue ethnocentré sur la religion. Je m'explique.
La religion majoritaire aux Etats-Unis est le protestantisme, principalement le protestantisme évangélique. Cela n'a l'air de rien comme ça, mais la majorité des arguments que Murphy, à travers son "Jésus", assène à la religion ne sont pas universels mais bel et bien extrêmement localisés. Le créationnisme, pardon de le dire, mais il n'y a que quelques religieux protestants américains pour y croire. L'auteur, qui plus est, commet parfois des confusions qui nuisent à la plausibilité de l'ensemble. Par exemple, à un moment donné, on croit à un miracle de Jésus junior, et il est dit que l’Église Catholique va mener une enquête. Ce qui est contraire à tout bonne logique puisque l’Église ne reconnaîtrait jamais, au grand jamais la nature divine d'un clone,
Pourquoi donc me direz-vous ? Tous les soucis de ce genre sont simplement issus de l'idée de base : Jésus cloné. Vous voyez le souci ? Non pas que "c'est possible" ou "c'est pas possible", "c'était de l'ADN de Jésus" ou non soient des question inintéressantes, mais surtout, l'idée de Murphy se heurte à un mur infranchissable : la nature du Christ. Je ne sais pas vous, mais pour ma part j'ai du mal à croire que la nature divine du Jésus des Évangiles soit cachée dans ses gènes. Si tant est, bien sûr, que l'on croie à cette nature divine, ce qui est la question sous-tendant tout le récit.
Et là-dessus, c'est toute la crédibilité de l'ensemble qui s'effondre. Si les croyants de la NAC, des extrémistes chrétiens (protestants ? rien n'est précisé, mais c'est le plus probable) croient réellement en la nature divine du Christ, comment peuvent-ils être choqués par l'émergence d'un obscur clone puisque si celui-ci a réellement le corps du Christ (hihi), il est dépourvu de sa nature divine ? Un Jésus incomplet ne soulève pas les masses...
Et pourtant, si, il le fait. Jésus Chris soulève les masses. Il fait sa crise d'ado, devient punk star et se rebelle contre les croyants, la téléréalité, l'Amérique, les Américains, avec une dose de manichéisme distillée par l'auteur avec la discrétion d'un hippopotame en charge. Soyez rebelles contre la société qui vous abrutit, soyez irréligieux contre les intolérants, soyez violents contre les violents. Œil pour œil, dent pour dent. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'expliquer pourquoi la charge antireligieuse de Sean Murphy est aussi inoffensive qu'intolérante. Sur ce point, l'échec est violent.
Mais si la dénonciation de la religion fait un flop quasi-total, la dénonciation des lobbies religieux, très présents aux États-Unis, est elle un peu plus réussie. Pas tant cependant que la charge contre le système de divertissement et la téléréalité, qui sont le véritable intérêt du comics, quoique une fois encore desservie par un manichéisme certain au service d'un pathos efficace mais parfois agaçant.
Surtout, le vrai point fort de Punk Rock Jesus tient dans le chemin de croix parallèle de Thomas, le tueur qui doute du salut de son âme, et de Chris, l'adolescent sur lequel le monde a placé ses espoirs et attentes qui ressemblent plus à des vomissures : divertissement, spectacle, ennui, le monde est laid et qui peut en vouloir à Chris de tout laisser tomber puisqu'il sait bien ne pas être Dieu ? Ce monde a le sauveur qu'il mérite. Souvent, celui-ci a tort. Et puis, parfois, le sauveur a raison.
Quand il crache sur des prophètes de l'Amour devenus violents...
Quand il jette l'opprobre sur des idiots qui refusent de voir la réalité en face...
Quand il rejette des égoïstes qui prêchent le dénuement...
Quand il abandonne des gens qui croient en Dieu mais ont oublié l'Homme...
Fuck America ! Fuck pharisianism.!
Violent, haineux, souvent naïf mais à chaque case plus mégalo, Punk Rock Jesus est avant tout l'histoire d'un messie venu casser les codes pour tenter de sauver le monde, au mépris de toute contestation. Si l'on oubliait l'aspect nihiliste de ce sauveur et sa haine pour ceux qui ne croient pas en lui, ça me rappellerait quelque chose.
Je me referais bien un Évangile, tiens...
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