Disons-le tout de suite. Je n’ai rien pour ou contre Dieudonné. Certes, je lis des choses ici et là, déplaisantes souvent, mais je me suis toujours gardé d’avoir un jugement basé seulement sur des polémiques créées de toute pièce par un camp ou l’autre. Car je préfère juger l’œuvre. Et ne regardant quasiment jamais de spectacles comiques, je n’ai donc aucun avis dessus.
Par contre, je lis des BD. Le hasard et la curiosité ont fait que j’ai lu « Quenelle en haute mer ».
Rarement, j’ai été aussi mal à l’aise et choqué par une BD. Pas par pudibonderie, Reiser a toute mon admiration. Non, j’ai été choqué par autant de nullité et de mauvaises intentions.
Prenant tout d’abord « l’œuvre » en tant que telle. Pour le scénario, je vous laisse apprécier le résumé sur le site Egalité & réconciliation d'Alain Soral :
« C’est le premier volume d’un diptyque humoristique scénarisé par Alain Soral, mis en bulle par Dieudonné, et dessiné par Zéon, caricaturiste virtuose, dans lequel notre racaille oligarchique prend le large sur le yacht d’un milliardaire russe. S’adonnant à leurs divertissements favoris, entre bienfaisance humanitaire, débauche fastueuse, et autres plaisirs pervers, ils sont assaillis soudainement par une bande de pirates des mers proche-orientales. »
Disons que nous ne nous attarderons pas sur l’histoire, car la BD se veut avant tout une satire.
Soit.
Sauf que les blagues tombent toutes à plat. Elles ont toutes été vues et revues. L’ensemble est un amoncellement sans queue ni queue de vulgarités.
« Personne n’est épargné, de Lady Caca à Bernard-Henry Botul, en passant par la ligue des gauchistes couards et opportunistes, un Dominique-nique-nique en major d’homme libidinal servant la sauce à un Sussfeld, un Bruno Salo dansant sur De (la) Bouse avec La Haine Désir au rythme de David Ghetto… » (Egalité & réconciliation toujours)
Quant à la satire, elle consiste à mettre en scène des personnalités connues de France et d’ailleurs. On y retrouve bien entendu les cibles préférées de Dieudonné et de Soral. Les autres font des apparitions dont le sens n’est connu que des auteurs et sûrement de leurs fans.
Et le dessin… Passons.
La BD est mauvaise, très mauvaise. Mais voilà ce qui arrive quand on confie un scénario à des non-professionnels (Laurent Gerra, au passage). Je peux avoir de la compassion pour la nullité, mais pas pour de basses motivations, qu’elles soient mercantiles ou politiques.
Les deux volumes de Yacht people ont été publiés par le label d’Alain Soral, Kontre Kulture, et les Productions de la plume, organe éditorial de Dieudonné (avec un score annoncé de 8000 exemplaires vendus). Je ne vois dans cette BD qu’un nouveau moyen pour ces deux auteurs de diffuser leurs idées, notamment sur d’autres cibles d’écoute. Je ne rentrerai pas dans le détail de plusieurs gags ou allusions que je trouve nauséabonds. Certains pourront m’argumenter le droit à la parodie et donc je ne m’avancerai pas plus loin. Par contre, j’ai eu une impression tout du long de rancœur et de haine qui pourrissent toute volonté de dénonciation des auteurs.
Et si je connais de loin Dieudonné et Alain Soral (qui semble être un membre de SensCritique), je ne connaissais pas le dessinateur Zéon. Google ne m’a pas déçu, puisque j’ai appris qu’il avait remporté le premier prix du second concours de dessins antisémites lancés par l'Iran House of Cartoon. Ce jeune homme se décrit (lire ici chez Actua BD) par ailleurs comme un martyr de la liberté d’expression. Il considère qu’en France, il y a une fausse liberté d’expression, qu’elle est contrôlée par les « lobbies d’argent », dont « le lobby sioniste qui est très puissant en France... »
« En comparaison, le Charlie Hebdo du 19 sebtembre dernier (intouchable 2 et leurs pathétiques caricatures du prophète) c’est de la fiente calibrée pour les cochons ! » (Egalité & réconciliation pour finir)
Donc sachez-le, oui, parfois, la curiosité est un vilain défaut.