Kid Toussaint : « La terreur du politiquement correct ? »

Le mouton noir... Le cygne noir... Le vilain petit canard... 3 animaux qui ont en commun la différence... Et pourtant... À chaque fois que je rencontre quelqu'un de "différent", je me demande... Est-il un mouton noir, un cygne noir ou un vilain petit canard ?

Après '' La chèvre sans cornes '', les Éditions Casterman présente le deuxième tome des enquêtes criminelles d'Holly Ann avec '' Qui arrêtera la pluie ? '' Une bande-dessinée influencée par son milieu ambiant avec une frontière mince entre le réel et le fantastique sur un cadre situé vers la fin du 19e siècle à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane au cœur du bayou, dans un écosystème où la ségrégation raciale demeure. Un théâtre idéal pour mettre en avant une détective privée (à ses heures perdues) métisse devant mener des investigations pour élucider des meurtres, dans ce cas précis celui de l'indien Natchez, considéré comme le Maître des saisons, ce qui pour certains expliquerait pourquoi la pluie ne s'arrête plus de tomber.

C'est avec un petit plaisir que l'on poursuit les intrigues de la mystérieuse et charismatique Holly Ann Artoure qui s'avère plus énigmatique que jamais au cours d'une aventure policière bien moins emballante que pour le tome 1. Un récit nonchalant un brin moins ésotérique qui laisse la part belle au drame avec des personnages avantageux comme l'énergique P'tit Louis qui incarne l'âme de la ville, mademoiselle Diane Uwahci à moitié Choctaws, fille d'Akwenuh alias Bacchus (la victime), le sergent Loyola dont on en apprend un peu plus et qui semble connaître certains secrets de la part obscure d'Holly qui ne le ménage pas... L'environnement est une fois encore habilement géré, étant le point fort et le plus attractif de la franchise. Une expression visuelle inventive qui favorise une ambiance contrastée. Les inondations et cette pluie qui ne cesse de tomber offrent une véritable identité de ton. Les dessins aux belles couleurs pastel sont superbes et synthétisent avec efficacité la part ancestrale et imaginative du récit.

Le scénariste Kid Toussaint est de retour à l'écriture et ça se ressent car on retombe rapidement (dès la quatrième pages) dans les mêmes travers que pour '' La chèvre sans cornes '', où l'auteur ''inonde'' abondamment son œuvre d'injonctions morales au nom d'une bien-pensance progressiste qui tombe dans une caricature déroutante. Les hommes sont montrés comme des pleutres qui trompent tous leur femme. Une phrase qui m'a fait sourire précise : ''les hommes seront toujours des hommes.''
Ben dis donc Kid ! Elle est où la bien-pensance là-dedans !
Moquerie sur les prénoms étrangers difficiles à prononcer, réflexions bizarres entre un mouton noir et un mouton blanc (pareil pour les cygnes !), insulte raciste : '' saletés d'indigènes '', on déteste les églises... Sans oublier d'en remettre un coup sur le dos de la police. Quoique cette fois-ci je suis d'une mauvaise foi car il y a de l'innovation vu qu'on ne les accuse plus que de n'être que violent et incompétent mais aussi alcoolique : ''Je croyais que les policiers de la ville du croissant attendaient de ne plus être en service pour noyer leur incompétence dans l'alcool.''
J'oubliais ! On nous précise bien également que les Français ont massacré les Indiens.

Kid Toussaint, il faut qu'on parle. J'ai bien compris que tu as des motivations humaines et certainement politiques, seulement voilà : " UN PEU DE NUANCES !!! " Il faut arrêter ''de compresser à ce point'' ton récit de tant de dénonciations non progressistes car on en fait une overdose qui vient desservir ton œuvre. C'est une noble intention mais il faut doser ! C'est regrettable, car ta bande-dessinée a un véritable potentiel que tu viens amoindrir.

CONCLUSION :

Holly Ann : Qui arrêtera la pluie ? est un second tome appréciable autour d'une enquête moins haletante mais dramatiquement intéressante autour d'une héroïne décidément charismatique et envoûtante que l'on a envie de découvrir plus encore. Malheureusement, les très nombreuses allusions (si à ce niveau on peut encore appeler ça des allusions) du scénariste Kid Toussaint pleine d'objections moralistes viennent desservirent un rendu final qui méritait bien mieux.

Une forte idéologie progressiste loin de favoriser la cohésion interne de son récit.

Pendant des siècles, les européens ont cru que tout les cygnes étaient blancs. Il a fallu attendre les grands explorateurs du 17e siècle pour qu'on découvre en Océanie, il existait des cygnes noirs. On ne peut se contenter de ce que l'on connaît pour établir une vérité universelle... Car il peut toujours surgir un élément inconnu. Un cygne noir qui remettra tout en cause.