La préhistoire est de loin la période la plus longue de l’humanité mais dans les faits elle est peu représentée en fiction, Rahan en est d’ailleurs l’une des rares figures de proue. Certes il s’agit ici d’une préhistoire fantasmée où se glissent quelques facilités et anachronismes, comme la présence de dinosaures ou le fait que tous les hommes soient majoritairement sédentaires et parlent la même langue, mais la période possède un incroyable potentiel scénaristique, une sorte de page blanche où presque tout est possible. Et Roger Lecureux tire excellemment parti de ce matériau brut, chaque clan sur la route de Rahan donne l’opportunité à l’auteur de faire une micro analyse sociétale via la dénonciation de systèmes politiques rudimentaires mais pertinents.
L’autre particularité de la série c’est l’ingéniosité du héros, tel MacGyver avant l’heure Rahan l’autodidacte invente de super trucs et astuces par la force des choses qui trouvent tout de suite un terrain d’application, c’est passionnant et bien inséré à l’aventure. Outre son intelligence hors normes Rahan est également un athlète de haut niveau qui terrasse des lions et autres bêtes féroces sans problèmes. Cette omnipotence du personnage ne nuit pas trop à l’ensemble parce qu’on se situe sur un modèle proche de la fable où de petites histoires souvent à visée moralisatrice s’enchaînent sans vraiment de lien entre elles. Comme chez Delafontaine d’ailleurs le rôle des animaux est très important même s’il est moins métaphorique, il renforce par la même cette sensation poignante de sauvagerie primaire de tous les instants où l'homme n'était pas encore au sommet de la chaîne animale mais simplement un maillon comme les autres.
L’inconvénient de ce style narratif même s’il colle très bien au format BD c’est qu’il est assez redondant, les péripéties de Rahan suivent souvent le même schéma qui peut s’avérer un peu lassant à la longue : en gros Rahan est confronté à une tribu qui a un problème, par ses aptitudes il réussit à triompher d’épreuves et à éclairer la tribu sur la cause de son problème, tout s’arrange ensuite dans une fraternité qui transcende les rivalités humaines. Ca n’empêche pas le tout d’être intéressant et bien foutu même si aujourd’hui Rahan l’ubermensch humaniste pourrait paraître un peu trop éducatif.
Sur le plan esthétique j’ai un peu moins accroché notamment au niveau de la colorisation parfois étrange, le dessin n’en demeure pas moins très expressif.