Critique et extraits: https://branchesculture.wordpress.com/2015/07/07/nains-redwin-de-la-forge-jarry-goux/
En ce début d’été, les Éditions Soleil semblent dans une forme olympique et bien décidées à ne pas vous laisser partir les mains vides à la conquête du sable, d’une eau turquoise et d’un soleil qui aura tôt fait de battre votre peau dorée. Et tant qu’à battre le fer tant qu’il est chaud, pourquoi ne pas s’offrir une petite incursion dans le monde de la forge. Mais pas n’importe laquelle: celle des nains, et plus particulièrement de Redwin. Premier héros d’une nouvelle série, initiée par Jean-Luc Istin, de tomes indépendants sur les Nains, et qui commence sur les chapeaux de roues! À la plume, Nicolas Jarry, et au crayon, Pierre-Denis Goux, la fine équipe quoi!
Et tant qu’à tenter l’aventure, autant qu’elle soit merveilleuse. Enfin merveilleuse… ce n’est pas tant le cas dans le monde des nains qui n’a décidément rien à voir avec les Sept Nains et se trouve perclus de jalousie et de guerres d’égos. Encore plus dans l’ordre de la forge: on ne plaisante pas avec le métier, destiné à forger les meilleures armes guerrières. Et, de ce monde de compétition, Redwin en a lui-même souffert. Son père, Ulrog, bénéficiant d’une magie runique à toute épreuve, aurait pu être le plus grand seigneur que la Forge ait connu et reconnu. Mais le sage nain en a décidé autrement, préférant à contre-courant, passer pour lâche et forger des objets, outils et meubles utiles dans bien des domaines… sauf celui, immonde, de la guerre.
Et cette société de concurrence acharnée entre nains forgerons dont Ulrog s’est écarté n’a pas laissé indemne Redwin. Le « fils du lâche » est méprisé, chamaillé, rossé sans nulle autre occasion de faire ses preuves. Le frêle Redwin se referme sur lui-même, sur sa hargne et sa volonté de vengeance, haïssant son père et ignorant tout de ses préceptes: Redwin le jure, un jour proche, il sera le plus grand maître forgeron et maître combattant de son ordre. Même si pour ça, il lui faut souffrir et faire couler le sang.
La dernière page a été tournée et on est tout simplement resté bouche bée, le cul par terre devant la maestria qui compose ce premier opus des Nains. Il y a du prestige, du grandiose autant dans le dessin que dans le scénario. Scénario dans lequel Nicolas Jarry met des valeurs, loin de ne faire de la fantasy pour faire de la fantasy et sans y mettre le fond. Dans cette quête initiatique et destructrice, tout le monde s’y retrouvera. Dans les doutes, dans la rage du regard du personnage principal, dans ses failles et ses blessures et son envie de surpasser son honorable père.
C’est tout simplement émotionnel, chose à laquelle on n’est pas forcément habitué dans ce genre d’héroïc fantasy. Il y a des monstres aussi, bien sûr, on ne boude pas notre plaisir, mais aussi une vision éclatante de ce qu’est le « pouvoir » (magique ou autre) et des chemins de bataille et de travers sur lequel il mène. Redwin de la forge est dense et passionnant, et le trait de Pierre-Denis Goux n’y est pas pour rien. Fameux commencement que ce premier tome. L’une des grandes lectures à prévoir cet été.