Critique de Shaynning
Second opus de la série qui a gagné le Prix des Libraires du Québec dans la catégorie BD étrangère, "L'ombre de l'oiseau" est plus sombre et profond, mais prend place dans un monde plus élaboré,...
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le 23 oct. 2022
4 j'aime
Mention Olibrius BD jeunesse 2022*
Loufoque, déjanté et joyeusement parodique, on lance les codes de l'Héroic Fantasy aux poubelles et on les remplacent par un bric-à-brac pétillant de n'importe quoi choisit intelligemment. J'adore ce genre d'univers qui fait les choses autrement, sans perdre de sa saveur pour autant. Comme j'aime comparer les livres à de la bouffe, ici je dirais qu'on a une "potion magique": crème glacée molle, slush/barbotine six couleurs saupoudré de bonbons pétillants. C'est délicieux, mais curieusement étrange.
Dans un monde très loin du nôtre, une princesse fait du rodéo sur sa monture, une poule géante. Alors qu'elle est catapultée dans une flaque de boue, un homme-serpent arrive en catastrophe: "Votre Majesté! Votre papa, le roi!". Ils ont comme un petit soucis au château avec le roi, et ce n'est pas parce que sa culotte est à l'envers. Non, il a perdu le haut de son corps, difficile cependant se savoir s'il est mort. Il est alors question de savoir qui gouvernera en attendant. La Reine est partie pour un monde meilleur ( La Côte D'Azur). La petite princesse refuse cependant de porte la couronne ( Ouin, parce que mine de rien, elle est lourde cette foutue couronne et puis elle ne fitte pas avec des lulus), et décide donc de porter sur sa tête un tout autre symbole royal: La culotte royale. Décidée à trouver la moitié manquante de son père, la Princesse Babette devenue Reine Babette part sur sa fidèle poule montée avec son écuyer peureux ( qui trimballe une brouette contenant la valise de la Reine).
Les péripéties n'attendent pas l'autre, nous entrainant dans une aventure complètement loufoque et imprévisible. On a, entre autres bouffonneries:
-Un voyant aveugle, qui offre des visions à moitié prix quand il faut chercher un demi-roi et voit le ciel et les boutons.
- Une horde sauvage de pilleurs et des tueurs sanguinaires, de taille minuscule et nuls en mathématiques.
- Un dragon végétarien payé pour prétendre avoir manger la moitié du roi, qui fait des cacas roses à pois jaunes.
-Un feu dont la fumée forme une portée étoilée.
-Une valise de mauvaise humeur d'avoir été préférée à un œuf géant dans la brouette de l'écuyer, et qui prend donc la poudre d'escampette.
-Un repaire de dragon en forme de petite tour dont l’énorme panneau "Le repaire du dragon" en indique l'entrée.
- Un dragon perplexe, parce qu'il n'était pas question d'affronter une Reine qui n'a peur de rien et préfère dénoncé son commanditaire.
- Un combat d'épée qui tourne à la faveur de la Reine ( Il parlait trop cet adversaire, tout de même).
- Un mot de passe dont le mot de passe est "mot de passe". On sait, c'est nul, c'est le Méchant qui l'a choisi.
Attention, à partir d'ici , il aura de choquantes révélations divulgâchantes:
La Reine et son écuyer découvre que le Papa royal a en fait été enlevé par le demi demi-frère de la Reine, qui se prétend super cruel ( et nul pour choisir des mots de passe) et qui voulait avoir un demi-papa ( sans doute pour aller avec son demi-corps). Quand il rencontre la petite Reine, il décide qu'il aura maintenant une demi demi-soeur. Alors qu'ils tentent de s'échapper, Babette appelle à l'aide sa fidèle monture plumée ( qui s'appelle Gertrude). La poule ( qui a des dents) gobe le demi-frère. Sur le chemin de la maison, Gertrude pond un nouvel œuf, dans lequel ( on le devine) se trouve le demi-frère en question. Quelques temps, plus tard, sur la table d'opération, le médecin enlève une vilaine écharde ( un clou) de la patte de Gertrude. Quelque part dans le château, Rita la couturière s'occupe de recoudre le roi, mais elle le replace à l’envers. Ce n'est pas plus mal, ça lui plait au Roi d'être à l'envers. Alors que Babette veut lui remettre la royale culotte, le roi signifie qu'il est désormais vieux et qu'il ne ferait pas une bonne Reine, alors on comprend que désormais, c'est Babette qui règne sur son pays. Quelque part dans son œuf, le méchant promet de se venger: "Ma vengeance sera terrible" Bah oui, on s'en doute!
J'adore ce monde absurde, où le soleil a une verrue, que des personnages tertiaires meublent les endroits les plus improbables, que la quête soit jalonnée de péripéties farfelues, que même les lois de la physiques sont mises à mal. Je donne par exemple le fait que Babette se met à marcher à la verticale sur une falaise, "avec dignité et un pied devant l'autre", alors que son écuyer grimpe normalement. Il y aussi la moitié du corps du roi, d'où perce un unique os géant, au lieu d'une colonne vertébrale, façon "cuisse de jambon". J'ai remarqué "L’œil" au cou du voyant aveugle, qui change d'expression au gré des élucubrations de son porteur. J'ai aussi vu un arbre qui croit sur un arbre, un toit en casserole géante, un avion péter un nuage , un bateau naviguer sur le dos d'une colline, un "barbare" qui a une tête en forme de chaussure, le soleil couler dans la mer, un ange en jaquette jaune passer dans le ciel, une maison dotée d'aile papillonner dans le coin d'une case, etc. Il y a tellement de trucs foufous à remarquer un peu partout, c'est génial! On se croirait dans un cherche et trouve.
Le passage où Babette, sa poule et son écuyer, à peine sortis du château, se sont mi à bivouaquer, était tordante. Y a même le médecin qui a demandé des nouvelles à la Reine, du haut d'un balcon.
Malgré tout ce bazar, Babette se démarque par son grand courage et son audace. On est loin de la princesse stupide et inutile. Un très agréable personnage, fière dans ses bottes et culottées jusque sur sa tête! Je ne vois aucune raison des garçons de bouder cette héroïne, à moins d'être de petites graines de macho pour qui les filles ne sont pas assez bien pour eux.
Quand au graphisme, il est bien réalisé et agréable à l’œil. J'aime bien ces cases au trait inégal qui reprend celui des illustrations. Les couleurs sont chaleureuses et les personnages de formes très variées. Même les choix de couleurs viennent renforcer la charge absurde de l’œuvre et j'aime le fait que des onomatopées soient collées aux endroits les moins plausibles, comme le "vroum vroum" émit par Gertrude la poule.
C'est drôle, ça maltraite le monde souvent très sérieux de la Fantasy médiévale, ça se veut impertinent, mais ça le reste quand même dans un sens, ne serait-ce que pour solliciter autant l'oeil et l'attention de son Lecteur. Des BD comme ça, j'en souhaite plus. Accessoirement, on a encore la preuve que le Québec possède ses bons bédéistes.
Alors, envie de plonger fesses premières dans ce monde-là? Je vous y encourage. N'oubliez pas votre culotte royale et vos bottes palmés.
Pour un lectorat à partir du second cycle primaire, 8-9 ans pour lecture seule, mais en lecture accompagnée, on peut la lire aux 6-7 ans aussi.
Petite mention personnelle pour souligner les œuvres jeunesse atypiques, loufoques et curieusement hors-normes.
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Créée
le 13 août 2023
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