Mon cœur balance. Je ne sais encore que penser de ce tome que j'ai lu très tard hier (ou très tôt ce matin, au choix). Si tous les tomes de SODA ne se valent pas, certains sont suffisamment bons pour que la série tire son épingle du jeu. Cependant, après des années passées avec la même fine équipe Gazzotti-Tome, le premier a décidé de passer la main à un autre dessinateur. Le dessin ayant une part importante dans l'appréciation que j'ai d'une BD, je me pencherai d'abord sur ce sujet.
Dan n'est pas un mauvais dessinateur. Il est bon, très bon mais, à trop vouloir se rapprocher du style de Gazzotti tout en conservant ce côté brouillon, on obtient finalement un résultat mitigé. Les proportions ne sont pas toujours respectées. Les personnages n'ont pas toujours la même tête ou ont perdu une partie de leur identité (depuis quand Linda a les dents du bonheur ?). Là où on avait l'impression que Gazzotti était capable de tout dessiner, Dan me paraît être à la peine (regardez Goliath, on dirait un bouledogue). Et le final mystique dans ce hangar sombre me fait un peu penser à un ruse de sioux pour cacher ses faiblesses.
Ensuite, la seconde partie importante d'une BD, c'est son scénario.
Tome a fait le choix de se placer à une période post-11 septembre, avec toutes les conséquences que les attentats ont eu sur la vie des new-yorkais, flics ou pas (décès d'un proche, augmentation de la vidéosurveillance, plans anti-terrorismes, théories du complot...). Soit, l'idée n'est pas mauvaise en soi (pourquoi pas, même) mais dans ce tome, on sort du cadre de ce que l'on avait l'habitude de voir dans les précédents volumes : une victime, un méchant, David qui vient lui botter les fesses avec une dénonciation sous-jacente de tel ou tel mal qui gangrène l'humanité (drogue, alcool, appât du gain, mafia, corruption, etc.). Ici, tout tourne autour de l'affrontement entre ce que l'on dit au grand public et ce qu'on ne lui dit pas.
Le lecteur assiste donc à un long monologue - une suite de réflexions de la part du héros - sur des évènements, des faits, des dires sûrement très connus des Américains ou des "passionnés" de cette période... moins des autres. Ces derniers se retrouvent donc embarqués dans une histoire qui les dépassent un peu, voire qui n'a aucun intérêt pour eux. Une histoire où le dialogue (intérieur ou entre Bab's et David) prend le pas sur l'action. Personnellement, il y avait tellement de trucs à lire dans les deux dernières planches que je n'ai rien suivi du cheminement du héros. D'ailleurs, il y a tant d'informations qu'il est impossible de suivre correctement le récit : soit on essaie de suivre le texte et on en oublie le dessin, soit on essaie de suivre les dessins et du coup, on se perd dans l'histoire.
Un tome un peu trop ancré dans le réel à mon goût (à l'heure actuelle), qui tourne autour d'un sujet pas évident à traiter : parce que ce n'est pas notre culture, parce que ça n'intéresse qu'une tranche infime la population, parce que l'on n'a pas encore assez de recul dessus, parce qu'une quarantaine de pages est insuffisante pour le présenter au grand public sans qu'il ne devienne barbant ou confus. M'est avis qu'une simple évocation de l'évènement - pour implanter le récit dans la réalité - sans en faire un tome pour autant, aurait été l'idéal (c'est ce que les deux séries de Dick Wolf (New York : Section Criminelle et Unité Spéciale) ont fait).
Un tome déséquilibré également. De par le dessin, par le trop-plein d'informations (comme évoqué au-dessus) et par le déroulement de l'action. Le premier quart du tome est occupé par une présentation du personnage que tout le monde connaît (à moins de commencer par ce volume). Les deux quarts suivants sont occupés par cette longue poursuite d'un mec à l'identité obscure (où Soda croise un mec qui parle belge en plein New-York). Et ensuite, tout se précipite dans le dernier quart restant, achevant de rendre le récit encore plus embrouillé.
Et enfin, où est passé l'humour qui caractérisait tant les premiers tomes ? Où sont passées les piques si fines de notre héros et de ses camarades de jeu ? Sincèrement, à part le mot de passe de la voiture, il n'y a rien qui vienne alléger un poil ce récit très austère. Et ça, ça manque.
Bref, un tome brouillon, tant par le dessin que par le scénario, avec un final sur les chapeaux de roue cependant et l'évocation d'un quatorzième tome qui, je l'espère éclairera un peu plus ma lanterne et permettra à Dan de s'exprimer pleinement.