Retour au collège par Messiaenique
Nous avons tous connu l’âge terrible de l’adolescence. Période ingrate, violente et difficile pour beaucoup. Entre les légendes de collège et les souffre-douleurs, l’option la plus recommandée était de se faire une place au sein de cette jungle où l’acné luxuriante laisse peu de place à la survie des plus faibles. C’est ce que nous raconte en tout cas Retour au collège, bande dessinée de Riad Sattouf, qui avant d’être réalisateur du film Les beaux gosses, est avant tout un dessinateur de talent à la fascination exacerbée pour les losers, les paumés, les inadaptés à la vie sociale – dans le même style, son Manuel du puceau n’est pas mal non plus.
Tout commence par un cauchemar. L’auteur se souvient avec horreur de ces années difficiles, qu’il faut purger de manière cathartique. Prétextant vouloir donner une vision de l’école différente des médias traditionnels, Riad Sattouff décide de faire face à ses angoisses et de retourner en classe de troisième. Mais pas dans n’importe quel collège : celui d’un milieu scolaire très huppé des beaux quartiers de Paris, afin de voir si la jeunesse favorisée aux parents puissants, ceux qui détiendront les pouvoirs financiers et culturels de demain, possède le comportement exemplaire que vante leur proviseur. La réalité est évidemment toute autre.
À travers ce reportage, l’occasion lui est donnée de revivre ses propres angoisses et de se remémorer sa place dans son collège au sein du « club de pédés », ainsi que son premier amour déçu. Si l’autodérision fonctionne à merveille, Sattouf brille surtout lorsqu’il s’agit de dépeindre les élèves avec une justesse infaillible. Les descriptions vestimentaires et le profil psychologique des personnages peuvent paraître à la limite du stéréotype, mais enfin quoi de plus normal ? Nous sommes au collège ! Hauts en couleurs, la star de classe au top de la mode, le petit rigolo je-m’en-foutiste, le parfait petit exclu ; le proviseur pète-sec et le prof d’histoire-géo qui se fait respecter coûte que coûte.
Si l’on passe un très bon moment avec Retour au collège, c’est parce que Sattouf donne à cette réalité une dimension humoristique proche de l’absurde, un décalage entre la finesse d’analyse de l’auteur et l’humour débile des collégiens. Aux tronches expressives succèdent des mises en scènes et apparitions quasi-théâtrales. Qui n’a jamais connu le foutoir le plus complet en cours d’éducation civique ? Le tout est livré dans un très bon tempo, avec une petite romance en guise de fil rouge.
On trouve pourtant une dimension plus sérieuse dans cette bande dessinée. Peu à peu, une relation de confiance s’installe et laisse libre cours aux discours des jeunes collégiens de la classe de 3èC : on parle des choses franchement, de sexe, de religion, de politique, sans jugement – simplement. On distingue la typologie des groupes d’élèves par leur comportement. La distinction de se fait entre ceux qui manquent de confiance en eux. De manière plus choquante, les « Intercours de Sixième » coupent le rythme et ramènent un récit satirique à une réalité plus dure, où la violence et les humiliations nous sont livrées avec une objectivité très froide, qui semble vouloir tirer la sonnette d’alarme.
Tout le monde trouvera son compte avec ce retour aux sources. Sans tomber dans le graveleux, on retrouve des situations que l’on a connues, de près ou de loin. Nos souvenirs refont eux aussi surface et c’est un vrai plaisir de revenir, avec humour, sur ce genre cet âge où chacun part à sa propre recherche.
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