Attendre la conclusion d'une série pour l'aviser ensuite dans son ensemble n'est pas toujours chose aisée. En effet, pour qui aime partager sa passion, il est toujours tentant de faire savoir immédiatement quels sont ses derniers coups de cœur en matière de découverte littéraire.
Toutefois, la patience a souvent du bon et ce n'est pas le cas de Mutafukaz qui me contredira sur ce point.


En effet, lorsque j'ai découvert cette série en 2007 j'ai été immédiatement bluffé. Dans un registre similaire à ce qui a été fait par Tarantino et Rodriguez avec Grindhouse, Run reprend beaucoup de concepts classiques des récits "stéréotypés" et en fait un titre aussi loufoque que brillant. Nazis, sociétés secrètes, crânes de cristal, chevaliers de l'apocalypse, trous noirs de poche, etc. ; les premiers tomes offrent un véritable déluge d'éléments aussi improbables que populaires.
La forme en prend également pour son grade. Ainsi, la qualité du papier et l'impression sont parfois changeant au sein d'un même volume. De la même manière, tous les chapitres ne sont pas colorisés ou mis en page de façon uniforme. Il peut donc arriver que du noir et blanc (façon manga) vient interrompre de belles pages en couleur sur papier glacé ou que certains passages soient carrément en 3D !


Bref, ce ras de marrée d'idées est tel qu'à mon avis, les opinions seront tranchés dès les premiers tomes. Mutafukaz n'est pas le genre de série qui cherche à baigner dans le confort des recettes à succès préétablies. Ici, l'auteur à ses idées et les exploitent à fond.


Personnellement j'apprécie ce "jusqu'au-boutisme". C'est, à mon sens, ce qui fait la différence entre une parodie quelconque destinée à surfer sur une mode et une œuvre véritablement pensée. Car si vous croyez que tous les éléments précités ne font que s'entasser pour donner à l’œuvre un aspect simplement burlesque : que nenni ! Ce qui rend Mutafukaz aussi attachant c'est qu'il propose une histoire intéressante qui, sans être exceptionnelle ou révolutionnaire, suffit à donner l'envie d'en lire davantage. Les premiers tomes sont d'ailleurs très bien rythmés ce qui facilite encore plus l'immersion du lecteur.


En définitive, jusqu'au tome 5, je n'ai rien à reprocher à cette série.

Sauf que, voilà, il a fallut que l'appât du gain s'en mêle. Initialement prévue en 4 tomes, la série n'a eu de cesse de s'allonger. D'abord avec un tome 0 qui sert de préquel ; après tout, pourquoi pas car, dans le fond, l'histoire s'y prête plutôt bien. Puis au travers d'une conclusion étalée sur deux volumes : les tomes 4 et 5. Et ça par contre, c'est clairement la goutte de trop.

Car si le tome 4 est très correct, le tome 5 est une déception à tout point de vue. S'il fallait le résumer je dirais qu'il est composé au 3/4 de combats qui trainent sans autres raisons que celle de remplir des pages et pour 1/4 de passages creux totalement inutiles. L'auteur a complètement quitté le navire et il n'y a qu'à lire ses éditos pour se rendre compte que toute son attention a été portée sur l'adaptation animée de la série.


Outre la perte en qualité que cela inflige à l’œuvre j'ai trouvé que ce final "à rallonge" s'apparentait presque à un acte de trahison. Pendant 9 ans on vous présente Mutafukaz comme l'avant garde du Label 619 (label d'Ankama visant à promouvoir les œuvres "hors conformisme") ; pour découvrir in fine que, derrière ces grands idéaux, se cache toujours les mêmes objectifs bassement mercantiles.


Voilà pourquoi, si vous appréciez les récits qui, sans être sérieux, savent être de qualité, je vous recommande vivement de tester Mutafukaz. Toutefois, compte tenu du final raté et de son aspect sans concession, c'est un titre que je vous conseille d'emprunter d'abord en librairie ou médiathèque avant d'en envisager l'achat.


Je ne sais pas qui d'Ankama ou de Run est à blâmer, toujours est il que l'aspect satyrique de Mutafukaz ne se prêtait vraiment pas à une surexploitation commerciale.

666Raziel
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le 23 févr. 2016

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666Raziel

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